Au même moment se déroulent deux expériences d’électricité aux Etats-Unis et en France. A Brooklyn, quartier mythique de New York, des résidents s’essayent à la production, distribution et consommation d’énergies renouvelables via un réseau blockchain, en France, débute, dans la confusion, l’installation de 35 millions de compteurs intelligents.

La France, pays centralisé et dont la filière de l’énergie est bâtie en pyramide avec ses géants mondiaux producteurs d’électricité, équipementiers et distributeurs du secteur, vit actuellement un drame national qui fait son originalité. Un bras de fer entre industriels, chacun soutenant un protocole de communication, s’exprime actuellement à travers des médias, des conférences et autres réseaux sociaux.

L’enjeu est la communication des équipements dans les locaux résidentiels et tertiaires avec le compteur intelligent très attendu d’ERDF, le fameux Linky. Un compteur qui actuellement fait débat concernant « la sécurité des données, leur protection et sur le rayonnement électromagnétique du compteur sur la santé…».

La confusion des protocoles dans le bâtiment

Pour le profane, et même pour certains professionnels, il devient difficile de suivre les enjeux des protocoles promus et utilisés par Linky (KNX et ZigBee pour Linky), tellement les protocoles anciens et ceux plus récents, utilisés dans le bâtiment se bousculent par leur nombre, sans compter leurs évolutions. De KNX à EnOcean et deZigbee à Bluetooth BLE, sans oublier Lora ou SigFox, on ne sait plus qui fait quoi et pourquoi tel protocole a tels atouts par rapport à un autre.

Avec le retard pris par l’installation du compteur Linky, dont 35 millions devraient être installé sur le territoire français, une telle confusion autour des protocoles au pays d’Edouard Branly, découvreur du principe de la radio conduction et celui de la télémécanique, fait pâle figure face à l’initiative soutenue par l’État de New York. Dans le quartier de Brooklyn, l’utilisation du système de réseau de partages Blockchain vise à permettre à des voisins d’un même quartier de se partager en pair à pair l’énergie solaire produite sur leurs toits.

Il est clair que cette expérience d’une énergie renouvelable en réseau distribué entre voisins, n’a pas encore l’efficacité de celle centralisée des grands énergéticiens, mais elle a la volonté de mettre en pratique une politique, une pensée de l’Etat de New York. Bref, des politiciens travaillent, là-bas, à reconstruire le réseau électrique (relativement défectueux), en tant que plate-forme distribuée, et entendent créer des incitations pour que les puissantes sociétés de services publics collaborent avec les innovateurs.

Il ne faut pas oublier que c’est à New York, lorsqu’ils se sont attelés à améliorer le réseau électrique de la ville, qu’Edison et Tesla se sont affrontés autour d’un sujet qui marquera à jamais la mémoire collective des électriciens du monde entier. Une empoignade qui a pour nom« la guerre des courants » où l’on verra Edison défendre le courant continu et Tesla l’alternatif. Plus d’un siècle plus tard, et en pleine transition énergétique et numérique, l’Etat de New York semble vouloir rester à la pointe de l’histoire de l’innovation en matière d’offre énergétique.

L’Etat de New York a un « Tsar de l’énergie »

Pour jeter les bases de cette politique énergétique, en 2013, le gouverneur Andrew Cuomo nomme celui qu’on surnomme le « Tsar de l’énergie », Richard Kauffman. Et une année après, ce dernier, fidèle à sa réputation, va engager une profonde réforme du réseau électrique de New York, en créant le concept de « Reforming the Energy Vision » (la réforme d’une vision de l’énergie) qui devient un sigle (REV), bouleversant le fonctionnement de toutes les administrations et entreprises de l’énergie de l’Etat vers un seul but : transformer le réseau électrique du territoire en une mosaïque de micro-réseaux, alimentés par et pour les citoyens de la région de New York.

En France, cette période d’incertitude énergétique, entre bagarre autour des protocoles et doute sur le compteur Linky, n’est-elle pas l’occasion d’ouvrir une réflexion autour des possibles relations entre un compteur comme Linky et un système présenté comme une innovation majeure, la blockchain ?

Cette dernière, dont les mécanismes ne sont certes pas encore faciles à appréhender, qui est une technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, fonctionnant sans organe central de contrôle, ne serait-elle pas un moyen efficace, pour assurer une gestion hautement sécurisée des données des Français qui demain auront chez eux un compteur Linky ? Ou bien la Blockchain ne risque-t-elle pas de balayer Linky ou tout au moins de le ramener au niveau, certes formidable en son temps, du Minitel.