Etre le premier producteur et fournisseur d’électricité au monde et, en même temps, se trouver contesté pour sa stratégie, durant cette période de transition énergétique, voilà la situation paradoxale d’EDF. Un fleuron français, dont il y a 50 ans, les électriciens étaient accueillis avec des croissants chez l’habitant. Et si le mal d’EDF aujourd’hui, c’est de manquer d’une véritable pensée numérique ?
Le 8 avril 1946, lors de la nationalisation d’EDF et GDF, dont il a été la cheville ouvrière, Marcel Paul, ministre de la production industrielle, a écrit aux électriciens et gaziers de France. Sa première ligne a été : « Chers collègues, je vous demande, de ne jamais oublier que vous avez en charge un instrument fondamental de la vie du Pays ». L’ancien enfant trouvé, dans une rue au sud de Paris, devenu électricien, grand syndicaliste avant d’être résistant, était, même pas deux années avant d’écrire cette lettre, comme ministre, prisonnier dans le camp de Buchenwald.
On peut croire que la naissance d’EDF a été, au départ, une histoire d’esprit de résistant, et si c’est le cas, une pensée énergétique de France a accompagné les fondements de la création du génie énergétique du pays. Cette pensée aura été à la fin des années 60 et début 70, le socle de la transformation d’EDF en leader mondial de la production et de l’offre de l’énergie nucléaire. Reste qu’à la faveur du bouleversement de l’économie mondiale et la libéralisation du marché énergétique, l’électricien public devait épouser les changements nécessaires à sa survie.
La mondialisation perturbe les stratégies
Malheureusement, ces mutations ne sont plus portés, aujourd’hui, que par une toute petite minorité de cadres de l’entreprise. Il s’agit souvent d’ingénieurs, des électrons libres qui depuis déjà un certain temps constatent que l’industrie de l’électricité voit de plus en plus ses lourdes infrastructures se démocratiser et devenir accessibles aux particuliers, à l’image de l’ordinateur au début des années 80. A cela, la mondialisation de l’information qui permet aujourd’hui par l’Internet, de connaître les expérimentations d’un continent à l’autre en termes d’offre de l’électricité, perturbe les stratégies des producteurs et fournisseurs d’électricité.
Ainsi, au regard de ce qui se fait ailleurs, il y a le sentiment qu’EDF continue de fonctionner avec une pensée énergétique forte, héritée de l’idée noble qui a préfiguré sa création au lendemain de la Seconde Guerre, mais qui peine à avoir une pensée numérique conséquente, alors que les nouvelles technologies de l’information perturbent quotidiennement ses stratégies. Il ne faut pas de malentendu, EDF est une entreprise qui a intégré les outils informatiques et les logiciels, il y a bien des dizaines d’années, mais reste que ce savoir-faire n’est pas visible.
Effectivement, certaines expériences comme la Chaire Risegrid d’EDF, créée en partenariat avec Centrale-Supélec en 2012, et qui est dédiée à la recherche dans le domaine des Smart Grids, porte cette pensée numérique. D’autres initiatives existent comme à Lyon où l’énergéticien pilote un autre projet lié au Smart Grids, mais dans l’ensemble EDF est loin d’incarner une entreprise française en pointe dans l’industrie numérique.
Du frigidaire et radiateur à l’objet connecté
Longtemps des cadres de l’entreprise, fondée par Marcel Paul, pensaient que le courant électrique avait une noblesse supérieure à celle du débit numérique. Une telle idée s’inscrit dans la nostalgie des Trente Glorieuses, lorsque EDF électrifiait la France pour que la ménagère de l’époque puisse faire fonctionner ses frigidaires, robots, machines à laver et cafetières…, et accessoirement ses radiateurs et chauffe-eau électrique.
Il semble aujourd’hui que la convergence énergie/numérique soit en train d’inverser les valeurs. Car, le temps est moins à l’électroménager qui sans électricité est d’aucune utilité qu’à celui des objets connectés dont le dialogue nécessite obligatoirement un réseau de communication.
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