Le Building Information Modeling, dit BIM, devrait bouleverser la manière d’appréhender, concevoir bâtir, gérer et vivre avec un bâtiment. Mais à l’heure de la disruption de pans entiers des filières socio-professionnelles par les mutations numériques, certains experts des logiciels du secteur du bâtiment indiquent que c’est la communication qui est l’élément révolutionnaire du BIM. Faut-il s’attendre à l’avènement d’une application française de ce dernier ?

Le BIM parle-t-il français ? Alors que nous fêtons les 350 ans de la maison Saint-Gobain au Château de Versailles et sur les Champs-Elysées, notre fleuron de l’équipement du bâti, nous sommes en droit de nous poser des questions. Allons- nous subir la virtualisation de notre environnement urbain, comme nous avons subi avec l’Internet américain, la dématérialisation de notre savoir ?

On commence juste à s’apercevoir que la maquette numérique c’est plus qu’une accélération des projets à rénover, de diminution de défauts de conformité et de responsabilisation d’entreprises pour travailler en mode collaboratif. Chaque corps de métier doit voir plus loin dans le BIM qu’un outil numérique qui va permettre une grande simplification de chaque tâche.

Et comme le précise une experte, dans une publicité d’une enseigne du secteur : «… On n’est pas simplement sur un visuel en 3D, un modèle de bâtiment en 3D. Le BIM c’est l’information, c’est le I de Building Information Modeling. Un I qui est le mot clés dans cette acronyme. Ce sont les informations du bâtiment que vous avez dans cette maquette numérique et qui servent à toutes les disciplines autour du projet… ».

Alors, y aura-t-il une discipline, une application inattendue du BIM qui va s’imposer dans le monde feutré des bureaux d’ingénierie et d’architectes, à l’exemple du SMS qui était destiné aux malentendants, mais qui fut adopté par tous les clients de la téléphonie mobile. Depuis les premiers évènements et salons autour du BIM, qui datent surtout de ces trois dernières années, un fait semble échapper aux professionnels du bâtiment. Celui de la mémoire numérisée de ce dernier, son évolution dans le temps et la valeur qu’il va apporter lors des transactions immobilières.

Car au-delà du caractère technique de la gestion numérique d’un bâtiment, il va se poser, à chaque étape d’intervention, la question de l’enregistrement des données, de leur traitement et valorisation. Nous sommes dans une mutation complète de la civilisation urbaine, celui du passage d’un environnement statique et passif, à des constructions vivantes et en permanence en relation avec les occupants : à domicile comme en mobilité.

Le sujet de la mémoire concerne particulièrement la numérisation de l’existant pour la rénovation et l’exploitation des ouvrages. Si ces derniers sont déjà inscrits comme stratégique dans le Plan de Transition Numérique dans le Bâtiment, il serait judicieux d’ouvrir le chapitre de comment les archives numériques de chaque construction sur le territoire français qui s’apprête à être numérisé soit gérée et valorisée.

Les architectes de France, rares dans le monde à avoir une autorité sur les bâtiments portant une histoire, pourraient relever le défi, afin d’offrir une spécificité française du traitement de la mémoire d’un bâtiment par le BIM. Il serait alors l’occasion du dire que le pays du Baron Haussmann et de Saint-Gobain, venait d’entrer définitivement dans l’ère de la maquette numérique.