Au même moment où se déroule à Paris le MIF Expo, présentation des produits du « made in France », et le Web Summit à Dublin, un salon de Start up digne de l’esclavage des temps anciens, un houleux débat s’est engagé entre certains professionnels de l’événementiel, concernant l’avenir des salons dans les capitales européennes. Une vocation du Vieux Continent plus que bicentenaire qui vit une crise d’identité, à l’heure de la disruption digital.

« Dans les salons à Paris, on boit le meilleur champagne. Si un jour il y en aura plus, je ne viendrais plus », avertissait il y a quelques années un Californien de passage à la Porte de Versailles. C’est un avertissement qu’il faut prendre en compte, tant l’évolution des salons qui se multiplient en France, perdent de cette exception française d’accueil et de mise en valeur de professionnelle avec leurs produits.

La crise n’est pas que française mais il semble européenne. La description faite par la presse Internet, cette semaine, de l’évènement Web Summit à Dublin, donne plus le sentiment d’un rassemblement de Daech à Palmyre qu’une rencontre dans la capitale celtique aux multiples pubs joyeux où la jeunesse écoute du Van Morrison and The Chieften.

Pour se faire une idée, lisons alors un extrait du compte rendu de Numerama, site web d’information dédié aux nouvelles technologies : …Les gens ont faim, ils sont agressifs, bruyants et sont pour la plupart très confus. Non, nous ne sommes pas dans le métro parisien mais au premier jour du Web Summit, à Dublin en Irlande. Le lendemain, ils ont disparu. Remplacés par d’autres gens, également affamés, agressifs, bruyants… Le troisième jour, c’est la même chose : ceux de la veille ont disparu, laissant place à de nouvelles personnes, tout aussi affamées, agressives… bref, vous avez certainement compris…, décrit le journaliste du pure Player qui hésite à qualifier Web Summit de « Chaos ou Eden ».

Nous sommes loin, très, très loin de la première Exposition universelle de Londres de 1851, évènement à la gloire de la Reine Victoria. Parmi les visiteurs déambulait l’ex-chiffonnier nîmois Jean Laudera. Poète des produits manufacturés il est ébloui par les stands des artisans de la cristallerie. Quelques semaines plus tard, il en résultera un magnifique livret de poésie, écrit à l’intention de la Reine et du Prince Albert. Jean Laudera donne à son présent le titre de « le Palais de Cristal » et s’impose comme le poète de l’ère industrielle européenne. C’était la grande période de l’émerveillement devant les belles choses de l’innovation.

Auparavant, en 1798 sur le Champs de Mars, le ministre François de Neufchâteau a, dans la continuité des idéaux de la révolution, imposé une démocratisation des salons jusque-là réservée aux éminents artistes primés du Royaume de France. Le salon de 1798, où des typographes, tels les Pierre et Firmin Didot, exposaient au côté de l’horloger Abraham Breguet, ouvrait la période des évènements publics dédiés aux produits de consommation. Elles seront symbolisées par celle de Londres en 1851, la première Exposition internationale de l’électricité en 1881 à Paris, enfin, l’évènement que fut Chicago en 1893, avec un record historique en termes de visiteurs : 27 millions.

Au fil du temps, foires et salons s’organisent par secteurs d’activités. Puis, en 1925, le Parc d’exposition à Paris voit le jour en même temps que le Parc Chanot à Marseille. S’il y a eu deux périodes ensuite, l’une en 1980 avec la professionnalisation des métiers de l’organisation de salons, puis 1990 où des investisseurs financiers se sont spécialisés dans le secteur, ces 15 dernières années l’identité de tels évènements a perdu de sa sève, de sa spécificité et effectivement de son exception européenne.

A la faveur de l’émergence des nouvelles technologies de l’information, les thématiques de services se sont multipliées en forme d’exposition. Souvent, organisées par des marketeurs qui tiennent plus de cow boys qui se transforment en vendeurs de stands en m2, que de professionnels, habités par une vocation de l’accueil, l’hospitalité et la mise en valeur.

Résultat, l’exposant ou le client, venant de Chine, d’Inde ou des Etats-Unis…, a plus, aujourd’hui dans certains salons parisiens, dublinois, londoniens, munichois, milanais, barcelonais et viennois…,  l’impression d’être en transit dans des aéroports internationaux que véritablement dans des salons qui caractérisent cette « european touch » historique de l’événementiel. Dans le secteur de l’Internet, le Web Summit vient de démontrer à Dublin qu’on pouvait aller plus loin dans le déclin des salons européens, avec pour chaque exposant un espace d’un m2. Déjà, les organisateurs donnent rendez-vous à Lisbonne pour la prochaine édition. Nous tremblons déjà pour les mosaïques (azulejos) des cafés lisboètes et leurs artistes si délicats du Fado.