L’actualité du commerce sur Internet de ce mois de septembre a été marquée par des annonces et un salon. Le point commun de toutes ces annonces, c’est d’être des plateformes digitales qui distribuent aussi des contenus culturels mais sans conscience. Ils favorisent aux yeux des internautes une confusion entre les œuvres de l’esprit et les biens de consommation.
Depuis 15 ans, chaque mois de septembre est organisé, à Paris, le Salon du commerce sur Internet. C’est l’occasion pour la Fevad, l’un des organismes représentatifs du secteur, de donner des chiffres. Cette année encore, les premiers sites de e.commerce les plus visités sont des e.marchands de biens culturels : Amazon, Fnac, Cdiscount et Ebay. Pourtant, d’année en année, les créateurs culturels voient leurs bourses se réduire. Comme si, face à l’accès de leurs œuvres par les e.clients et internautes, la valeur est captée ailleurs. Google fait bien de l’audience avec la requête Madonna ou Louis Aragon, mais cela ne génère pas de monétisation publicitaire, comme « fleuristes à Paris 13 » ou « serrurier à Paris 19 ».
La semaine dernière, lors du Salon e.commerce-Paris, le comparateur des prix Twenga a annoncé en grande pompe un accord avec Google. C’est le même Twenga qui, en 2012, au restaurant des prix Goncourt, le Drouant, a annoncé, devant un aréopage d’avocats anti-Google, son objectif de mettre à mal la position dominante de Google devant la Commission européenne. On peut être assis à la table d’un jury Goncourt et tourner sa veste le lendemain. Et cela même si, en termes de comparaison de prix, on offre les Honoré de Balzac et les Boualem Sansal les moins chers. Pour Twenga, vendre « Les Illusions Perdues » à 6,60€, « Le village de l’Allemand » à 5,40€ ou des moufles bébé à 25€ et des couches-culottes à 13,50€, c’est du pareil au même.
Margrethe Vestager, la Commissaire européenne à la concurrence, peut engager un dernier et ultime bras de fer avec Google, comme, il y a 15 ans, l’un de ses prédécesseurs avec Microsoft face à la cannibalisation du monde des logiciels, cela n’engage nullement Twenga à être une entreprise européenne fidèle à certains principes qui régissent le Vieux Continent. Celui pour qui les biens d’expériences et ceux de consommation n’ont jamais cohabité dans la même vitrine. Ni la Fevad, ni l’Acsel, les deux organismes français du commerce en ligne, ne semblent s’émouvoir de cette situation, tant tout est, chez les marchands du digital, conditionné uniquement par les vertigineux chiffres d’affaire qui atteignent chaque année des dizaines de milliards d’euros.
Que le labeur des créateurs ne soit pas pris en considération par les marchands de l’Internet, cela n’est pas surprenant tant l’esprit start-up nous a habitué à ne croire que dans l’innovation technologique et économique. Mais découvrir qu’un gouvernement a lancé un projet de loi sur la «République numérique » sans prendre en considération l’impact des nouvelles technologies sur le monde des travailleurs de la création culturelle, voilà qui laisse perplexe au pays de l’auteur de « La lettre aux écrivains du XIXeme siècle », Honoré de Balzac.
Si l’auteur des « Illusions perdues » était encore de ce monde, il aurait était surpris par le système de e.commerce marketplace, une sorte de place de marché qui met en relation acheteur et vendeur de produits. Balzac aurait-il accepté le commerce en ligne de ses romans en seconde main, par des vendeurs d’occasion en ligne. Il y a un doute lorsqu’on sait, qu’un jour, il a cassé la vitrine d’un libraire au Palais-Royal, pour saisir une copie pirate d’un de ses ouvrages. La secrétaire au numérique devrait peut être se pencher sur la question.
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