Il y a dans l’Hexagone, ces dernières années, comme un relâchement pour équiper la France en infrastructures numériques. Les élus départementaux, les laboratoires de recherche et les opérateurs y sont pour quelque chose.

Le pays qui, dans les premières années 2000, était salué pour son avance en ce qui concerne l’Adsl, s’était endormi sur ses lauriers et se voit aujourd’hui détrôné par des territoires numérisés comme la Roumanie et le Portugal. Le dernier rapport européen qui donne le classement des pays de l’Union est sans ambiguïté. Rien qu’en matière de haut débit, la France est à la 23eme place sur 28 pays.

Un département comme les Yvelines est symptomatique de ce déséquilibre entre excellence française et fracture numérique. Alors qu’il abrite à sa frontière Est, l’Institut national de la Recherche Informatique Appliquée (INRIA), au sud-ouest du territoire, les entreprises et les PME grondent de ne pouvoir accéder à une offre de débit honnête. Cette comparaison prend toute sa dimension, lorsque le patron de Facebook, lui-même, vient débaucher des chercheurs en intelligence artificielle à l’INRIA, alors que vers le sud-ouest du département, des particuliers et surtout des PME, se disent victimes d’une politique numérique sans vision et en retard.

La construction du territoire numérique des Yvelines semble inachevée, lorsqu’on sait les efforts déployés au fil des siècles pour faire avancer les choses. En pleine Révolution française, un certain août 1789, Nicolas de Condorcet écrit au comte Mathieu de Montmorency, député du bailliage de Montfort-l’Amaury pour résumer la situation à Paris. Le philosophe explique l’élaboration de la République avec ses institutions, dans une correspondance admirable, aujourd’hui archivée numériquement dans les bases de la Bibliothèque nationale de France, qui démontre qu’il n’existe pas, en France, un territoire sans mémoire et que chacun mérite d’être intégré dans l’économie française en construction, devenue digitale.

Deux siècles après, c’est la Société des Amis de la Région de Rambouillet et de sa Forêt qui honore, par un ouvrage, le tricentenaire de la mort de Pascal. Ce document s’ouvre avec un texte de François Mauriac qui écrit : « …La raison la plus simple et qui éclate d’abord au regard, c’est qu’en Pascal s’accomplit ce qui est moins commun : l’union en un seul homme du comble de l’esprit géométrique et du comble de l’esprit de finesse… ».

C’est cet esprit qui semble faire défaut aujourd’hui dans certains territoires des Yvelines, que des chefs d’entreprises veulent retrouver au sud-ouest du département en ayant accès à la fibre optique. Réuni au sein de l’association Adecsy, sous la présidence d’Olivier Gautheret, ils se considèrent pris au piège d’une politique départementale où ni les politiques ni les opérateurs télécom ne veulent investir dans des territoires ruraux, ce qui handicape la productivité par l’absence d’offre numérique digne de ce nom.

Est-il normal que sur le même département, Facebook, une start up capitalisée à hauteur 299 milliards de dollars (PIB de l’Algérie) vienne, de la Silicon Valley à Rocquencourt, pour puiser dans la recherche française en matière numérique et qu’à 30 km de là, une PME, à Méré, ne bénéficie que d’un débit de 2 à 4 Mb/s en montée ? Pire encore, il faudra prochainement débourser de 350 à 1 000 euros pour l’installation et un abonnement mensuel entre 120 et 500 euros pour bénéficier du haut-débit.

Voilà une réalité en termes d’aménagement du territoire, bien loin des idéaux qui ont été à l’origine de la création en 1963, par le général de Gaulle et Georges Pompidou, de la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (DATAR).