Les annonces se multiplient ces derniers mois de basculement de fleurons français de l’équipement électrique vers l’énergie digitale et l’Internet des objets. Ce changement est salutaire, mais la vision et la pensée restent incertaines à l’heure des écosystèmes numériques.
Il y a juste deux années, un patron a salué, devant une ministre, l’excellence française de l’industrie électrique. Il affirmait que la structure pyramidale de cette filière, avec le producteur d’électricité EDF, les fabricants d’équipements derrières et les distributeurs des produits, a permis, au cours et à la suite des Trente glorieuses, de bâtir une filière reconnue mondialement. Ce modèle de filière est aujourd’hui remis en cause par l’impact du développement des nouvelles technologies. Ces dernières, sont en train de déplacer le modèle électrique de l’amont vers l’aval.
Actuellement, dans les conseils d’administration des entreprises de la filière électrique, on s’attèle à trouver de nouveaux modèles économiques en phase avec ce nouveau paradigme énergétique, et les communicants du secteur ont pour mot d’ordre de diffuser les messages qui expliquent ces bouleversements.
Certaines voix s’élèvent aujourd’hui pour pointer des imperfections de la loi de transition énergétique, notamment sur la non prise en considération des futurs usages des consommateurs de l’énergie intelligente. Mais il y a comme un doute : comment croire que l’élite de la filière électrique n’a pas pris la mesure des enjeux en cours ? Comment peut-on pointer les insuffisances de la loi de transition énergétique, alors même que l’industrie électrique a, durant tout le processus législatif, défendu ses acquis par un lobbying tout azimut face aux politiques, plutôt que d’offrir des clés pour réussir sereinement la convergence énergie-numérique ?
Alors que Bruxelles a, ce 15 juillet, présenté ses mesures sur l’énergie et le climat, sous l’appellation « Paquet d’été », il est de plus en plus clair que la France manque d’une vraie pensée sur l’énergie. Malheureusement, la filière électrique d’aujourd’hui n’est pas celle de la deuxième moitié du XIXéme siècle qui a construit le premier imaginaire français du secteur. Elle n’est pas non plus celle du lendemain de la guerre qui, sous l’impulsion du communiste Marcel Paul et du gaulliste Pierre Simon, a, dans un esprit de pionnier, reconfiguré et modernisé la production et l’accès à l’électricité.
Alors que Bruxelles pousse à la transformation du système énergétique de l’Union européenne pour le rendre sobre en carbone et en phase avec les futurs usages du consommateur, en France, la filière électrique peine à sortir des petits calculs d’offres de produits à placer sur tel ou tel marché. D’autant que la France est très attendue à la Conférence de Paris sur le Climat, en décembre, avec le risque de manquer cette opportunité pour promouvoir une vraie pensée au sujet de la production, du transport, de la distribution et de la consommation électrique à l’ère du digital, et affaiblir le pays d’EDF au profil des géants californiens du logiciel.
Une vraie pensée énergétique ne se définit pas uniquement sur une base économique, elle s’invente et se module aussi sur la transformation social et culturel d’un pays et de sa population. Certes, on ne va plus se chauffer et s’éclairer à Dunkerque comme à Marseille et à Metz comme à Perpignan, mais la rencontre entre le flux électrique et celui numérique transforme les territoires, accélère l’accès au savoir et à la mobilité physique, et il est certain que nous allons voir émerger une France nouvelle dans son rapport à l’électricité.
L’inquiétude palpable et que c’est dernière année, une pensée américaine de l’énergie à la faveur de la révolution des nouvelles technologies, plutôt californienne, a pris le dessus en Europe. Une pensée énergétique dont les représentants les plus marquants sont Jeremy Rifkin, en terme de prospective, et Elon Musk, sur le terrain industriel. Il serait judicieux déjà pour l’industrie électrique française de savoir si les deux américains seront inscrits à l’agenda de la Conférence de Paris sur le Climat en décembre, et auquel cas, il est plus que nécessaire d’élaborer une idée hexagonale du mariage de l’électricité et de la communication IP.
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