La recomposition des industries de l’équipement, avec l’avènement des objets connectés, peut être salutaire pour le savoir-faire des sciences de l’ingénieur françaises. Dernier en date, l’engouement début janvier du patron de Cisco pour la French Tech au CES de Las Vegas.

À première vue, c’est une vraie corbeille de mariage que le leader américain des réseaux informatiques a offert cette semaine à la France. 100 millions d’investissements dans des start-ups hexagonales, un plan de formation en ligne aux technologies de réseau et Internet pour 200 000 personnes, des équipements numériques pour édifier une ville intelligente et pour les collectivités locales. Mais à regarder de près les déclarations du patron de Cisco depuis quelques mois, l’homme veut entraîner la France dans une vraie course contre la montre, pour relever et gagner le défi concernant le basculement actuel d’un monde, où seuls les individus sont numériquement connectés à une planète qui, à l’orée de 2020, verra 50 milliards d’objets connectés entre eux.

La France va-t-elle vers une croissance foudroyante ?

À qui veut l’entendre et tout récemment au Wall Street Journal, John Chambers a affirmé que sa société a changé plus vite au cours des 12 mois derniers, que durant les 30 ans de son histoire. Une telle déclaration veut dire que les décideurs d’aujourd’hui n’ont pas d’autre choix que celui de vivre constamment avec un esprit disruptif dans l’entreprise qu’il dirige. Pour le patron de Cisco, plancher sur un plan social de suppression de 6 000 emplois et en même temps investir dans un pays comme la France est aujourd’hui une stratégie tout à fait acceptable dans le Nouveau Monde high-tech du management.

John Chambers flatte l’esprit entrepreneurial français en affirmant qu’il a comme un pressentiment que le pays de Xavier Niels ressemble à celui de Steve Jobs et Bill Gates au moment de l’arrivée de Clinton à la Maison-Blanche en 1993. Peut-être dit-il vrai et que la France est sur le point de connaître une croissance foudroyante. Peut-être n’est-ce qu’une illusion et John Chambers ne s’intéresse qu’à la fierté française en matière d’objets connectés et d’un réel savoir-faire en matière de sécurité des réseaux.

Il ne faut pas oublier que John Chambers est un fan de General Electric qui réussit très bien en France avec l’achat d’Alstom Grid. Surtout, le patron de Cisco est admiratif de l’entreprise plus que centenaire, fondée par Thomas Edison, et qui lui a pris quelques-uns de ses meilleurs cadres, à l’exemple de Bill Ruh, pour réussir dans le software industriel.

La France, un paradis pour les industriels

Alors, faut-il croire un Américain dont le cauchemar quotidien est de voir les logiciels propriétaires de son entreprise se faire doubler par les solutions open source. Un Américain qui s’inquiète de la croissance et de la qualité des équipementiers et des éditeurs asiatiques.

C’est peut-être là que se situe l’engouement du patron de Cisco pour la France. Cette dernière ayant tendance, avec sa vieille tradition de brevets et d’ingénieurs très bien formés, à offrir un paradis aux tenants de la propriété industrielle. Alors, les yeux doux de John Chambers à la French Tech lors du CES de Las Vegas et ses 100 millions d’euros d’investissement en France seraient-ils une stratégie à double visée ?

Mettre la main sur les meilleurs fabricants du logiciel, domaine dans lequel les Français excellent, tout en s’assurant un portefeuille de brevets bien garni et protégé, et surtout faire émerger un industriel puissant en mesure de répondre aux défis des objets connectés, de leur sécurité comme de leur contrôle, des objets qui pourraient concerner l’ensemble des activités humaines et économiques.