Deux semaines après l’euphorique succès des start-ups françaises au CES 2015 à Las Vegas, on peut conclure que si la France s’est concentrée sur l’innovation de ses produits et la volonté de son gouvernement à soutenir son industrie numérique, les hôtes américains semblent avoir privilégié les réflexions autour des futures retombées sociétales de l’avènement des données volumineuses.

Le foisonnement des traitements de l’actualité du CES 2015 à Las Vegas sur Internet, en France comme à travers le monde, permet de mesurer les tendances des industriels du numérique pour l’année. Il est clair que dans un contexte où les filières traditionnelles vont être totalement bouleversées, sinon disparaître devant le tsunami des objets connectés qu’on évalue à l’horizon 2020 à 50 milliards d’unités, un salon tel le CES 2015, ne s’est pas résumé à la présentation de produits, même très innovants.

La France qui, depuis l’exposition de Chicago de 1893, a toujours édité des rapports de grandes factures et d’analyses sur l’évolution industrielle des États-Unis a pu ainsi grâce à la qualité de ses ingénieurs observateurs anticiper les mutations et tendances des filières. À ce titre, il suffit de lire avec nostalgie, la « Revue technique de l’Exposition universelle de Chicago en 1893 » dirigée par les ingénieurs M. Grille et M. H. Falconnet pour comprendre comment notamment dans certains secteurs comme l’industrie de l’équipement électrique, la France a réussi, et surtout après la Deuxième Guerre, devenir leader mondial devant les États-Unis.

Shawn Dubravac, l’économiste en chef du CES à la manœuvre

Aujourd’hui, à la faveur d’une domination écrasante des secteurs du logiciel et de l’Internet par les entreprises américaines, il revient d’être attentif sur les stratégies et visions qui se sont dégagées lors du salon de Las Vegas. D’autant que c’est Shawn Dubravac, l’économiste en chef du CES, qui a la veille de l’ouverture de l’évènement, a donné une conférence révélatrice des ambitions du pays de Google sur le futur des industries numériques et cela toutes filières confondues.

Pour Shawn Dubravac, l’avenir sera déterminé par ce qu’il appelle les « cinq piliers de notre destin numérique », qui comprennent l’informatique ubiquitaire, le stockage numérique pas cher, la connectivité constante, la prolifération des appareils numériques et la « sensorization » de la technologie. Ces piliers ont contribué à créer le marché des Smartphones, qui est maintenant plus grand que celui des ordinateurs personnels.

Mais Dubravac voit se profiler à l’horizon un univers avec encore plus de produits qui servent ce qu’il appelle « Internet of Me », constitué de tout, du thermostat connecté à Internet à la puce incorporée dans la brosse à dents. En quelques années, dit-il, le marché pour ces produits devrait atteindre 50 milliards d’appareils, par rapport au marché du Smartphone actuel de 2 milliards d’unités.

L’enjeu des données générées par l’Internet des Objets

Durant ce CES 2015, les Américains se sont surtout, tel que Shawn Dubravac, distingués à faire passer le message que l’heure n’est plus à savoir s’il faut rendre connectable telle brosse à dents ou telle chaussure, mais quel intérêt et pour quel usage doit-on le faire. Évidemment, sans perdre l’enjeu des données générées par tel ou tel produit.

Cette volonté d’avoir marqué le CES 2015 par une préoccupation sociétale de l’avenir des industries liées aux nouvelles technologies donne ainsi aux États-Unis, déjà un leadership sur le secteur de l’Internet des objets. Reste à savoir maintenant comment les pays européens, dont la France, vont réagir à un tel défi. Celui de ne pas après le web, laisser aux Américains un autre privilège de domination socio-économique.