En 2015, l’industrie de l’énergie n’échappera pas à une mutation profonde de ses métiers, effets d’un passage mécanique de la fabrication de l’énergie à une gestion numérique et en réseau.
Ils sont nombreux les experts qui prédisent que la valeur dans les produits électriques va se déplacer vers les outils de traitement de l’information, c’est-à-dire le service. À entendre Mark Barrenechea, le patron d’OpenTex, la plus grande société canadienne du logiciel, le marché naissant de l’Internet des objets atteindra les « 50 milliards d’appareils connectés d’ici à 2020, pour une valeur de 14,4 milliards de milliards de dollars". À ce titre, il estime que l’année 2015 sera celle du point de départ de cette révolution industrielle et qu’il y aura 20 à 30 millions d’emplois qui devront se transformer, sinon disparaître.
Ville intelligente, usines 4.0
Dans le secteur énergétique, ce changement de paradigme est déjà palpable à travers le monde. Santander, en Espagne, la ville intelligente par excellence aux 15 000 capteurs, vit déjà l’expérience de voir ces derniers produits prendre une place de premier plan dans la gestion et l’optimisation de la consommation électrique de la capitale de la Cantabrie. Déjà, il y a deux ans, les responsables municipaux ont lancé une opération d’équipement de la ville en capteurs-enregistreurs sonores, afin de gérer la circulation des transports et l’efficacité énergétique par la captation des sons.
Bill Ruh, vice-président de General Electric Software, était il y a deux semaines à Paris pour détailler aux industriels français comment dans leurs futures usines 4.0, des statisticiens et des gestionnaires de bases de données, remplaceront ouvriers, techniciens et autres ingénieurs. Cet ex-vice-président de Cisco qui est venu chez GE pour lancer la plateforme informatique Predix, véritable concept de l’internet industriel, se permet même de prendre pour exemple les échecs de l’industrie musicale. « Ou les entrepreneurs sauront former des équipes d’analystes et de gestionnaires de données pour faire tourner les usines numérisées du futur ou ils connaîtront les mêmes soucis que les professionnels du disque », prophétisa-t-il.
Nouvelle stratégie énergétique
Si le fleuron américain de l’équipement électrique compte investir, d’ici 2025, plus de 220 milliards de dollars pour occuper la place de leader de « L’internet industriel », il serait clairvoyant pour les acteurs de la transition énergétique française de construire une vraie stratégie en ce sens. Durant ce mois de décembre, l’Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l’information (ENISA) a finalement publié un rapport consacré à « la certification de sécurité des réseaux intelligents en Europe ».
Mais, il ne semble pas, comme aux États-Unis, que la question des réseaux intelligents soit en Europe aussi débattue et prise au sérieux. À regarder le rapport de l’ENISA, le Vieux Continent devrait d’abord rendre harmonieuses entre eux les multiples approches des pays de l’Union en termes de sécurité des réseaux intelligents. Ce n’est pas pour demain le grand jour des smart grids européens, même si la diversité des solutions est une richesse.
Ainsi, si on prend le cas de la France, on est encore loin dans cette transition énergétique d’aborder, comme aux États-Unis et au Canada, la gestion des données proposées par les réseaux intelligents installés dans des villes et villages. Que faire de toutes ces informations concernant les consommations ainsi offertes à flux tendu par le réseau ? Quelle lecture avoir de ces données, comment les recouper, comment les analyser et quoi en tirer ? Et surtout à quelle entité entrepreneuriale appartiendront les statisticiens de toutes ces big data de la consommation énergétique ?