(5 octobre 2014) Un pays qui a eu des génies, des bâtisseurs qui ont organisé la première exposition internationale de l’électricité en 1881, peut-il ignorer son histoire énergétique pour réussir sa transition ? À l’heure où les parlementaires se penchent sur une loi supposée bouleverser notre avenir, il est plus que nécessaire de jeter un œil sur le passé.
« Tout à son heure en ce monde. L’opportunisme n’est pas un vain mot. Chaque science se partage à tour de rôle la faveur publique. Depuis quelque temps, c’est l’électricité qui règne dans l’opinion, en attendant qu’elle gouverne… », écrivait le journaliste scientifique Henri de Parville en 1883, dans son ouvrage « L’électricité et ses applications : Exposition de Paris ». À l’époque, la Silicon Valley était une terre agricole et l’Américain Thomas Edison devait traverser l’Atlantique en bateau pour présenter au futur Palais de la Découverte ses inventions électriques.
Le commissaire général de la Première exposition internationale de l’électricité, Georges Berger, pouvait rédiger un ouvrage consacré à la peinture française du XVIIIe siècle et accueillir quelques années après à Paris, les plus extraordinaires appareils électriques d’inventeurs venus des quatre coins de la planète. Qu’auraient pensé un Georges Berger, un Auguste Detoeuf, fondateur d’Alsthom, un Marcel Paul, père de la nationalisation de l’énergie française et un Marcel Boiteux, initiateur à la tête d’EDF, de la grandeur française du nucléaire, de la transition énergétique en cours ?
La France a-t-elle aujourd’hui, comme les USA et les pays asiatiques, des géants mondiaux du logiciel et des équipements énergétiques capables d’offrir une rupture technologique dans les usages ? Alors qu’hier elle avait des leaders internationaux tels La Compagnie générale d’électricité et Thomson-Brandt. La France a-t-elle, comme en Inde et en Afrique du Sud, des politiques et des collectivités locales qui inventent et adaptent leurs propres concepts à la transformation de leur territoire urbain en ville intelligente ? Alors qu’hier elle avait des métropoles telles Paris, Lyon, Marseille et Toulouse qui ont été métamorphosées durant la deuxième moitié du XIXe siècle par l’avènement de l’électricité et l’éclairage.
N’y a-t-il pas eu des disruptions et des Moon shoot bien français durant l’histoire de l’électricité qui peuvent inspirer la transition énergétique de Ségolène Royal ? Il faut comprendre le consultant Jean-Pierre Corniou, lorsque dans une intervention très gaullienne, interroge et reproche à l’élite française de ne pas avoir inventé un Google, un Facebook, un Apple. Lors d’une réunion de préparation du prochain CES à Las Vegas, début 2015, le spécialiste de l’automobile ne cachait pas son désarroi que toutes les innovations de rupture d’usages d’aujourd’hui viennent du pays de Thomas Edison.
En 1888, sept années après l’évènement majeur de l’électricité organisé par Georges Berger, un homme, Lucien Gaulard, se présente devant l’entrée de l’Élysée, ouvre ses bras et déclare « je suis Dieu et je veux la paix universelle ». Lucien Gaulard finira à Saint-Anne, déséquilibré par le fait que son génie n’avait pas était reconnu, celui d’avoir été l’inventeur du transformateur électrique. Un objet qui, à ce jour, fait partie de notre quotidien, car il nous donne accès à l’électricité.
L’histoire de l’électricité française peut au moins apporter à la transition énergétique le recul de ne pas reproduire les mêmes erreurs du passé. N’y a-t-il pas aujourd’hui dans nos régions, le Limousin, la Bretagne et l’Alsace… un Lucien Gaulard, porteur d’un projet de start-up révolutionnaire pour la transition énergétique, mais qui bute pour le financement face à la complexité mentale de l’administration et des entreprises de l’énergie, à croire au génie et à l’indépendance des jeunes entrepreneurs ?
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