(21 avril 2013) L’arrêté pour limiter les nuisances lumineuses et les consommations d’énergie nocturnes publié le 30 janvier par Delphine Batho pose un réel problème. Il n’a pas été inscrit dans les débats de la transition énergétique.

Qui se souvient des bougies Jablochkoff, cet électrotechnicien russe qui a inventé à Paris la lampe à arc, qui a éclairé les boulevards des grands magasins de la capitale, l’avenue et la place de l’Opéra durant l’Exposition universelle de 1878 ? Qui sait que lorsqu’on demande à Darius Khondji, le directeur de la photographie de « Paris, Minuit », le film de Woddy Allen, comment il a éclairé la ville, la nuit, il répond : « la plupart du temps, j’ai essayé d’éclairer l’extérieur avec des sources placées dans des intérieurs, par exemple dans un café. Quand je regarde le film, je pense que j’aurais dû le faire encore plus. On a fini avec plus de réverbères que j’aurais voulu, mais je me suis rendu compte que le film devait rester léger, et ne pouvait pas être trop sombre ».

La France, sa capitale, ses grandes, ses petites villes et même ses villages ont depuis plus d’un siècle été éclairés de l’extérieur comme de l’intérieur des bâtiments. Ainsi, la lumière nocturne est inscrite dans la mémoire collective des Français. Qui peut refuser le bonheur d’arriver dans une métropole, une ville, un village où des sources éclairent de l’intérieur des façades, des monuments, des rues. Posez la question à vos amis anglais : pourquoi adorent-ils les décors du film « Les parapluies de Cherbourg » ? Et ils vous répondront : « surtout les deux vitrines du magasin de parapluies éclairés la nuit ».

Le regret avec l’arrêté Batho, réglementant le fonctionnement des dispositifs d’éclairage des bâtiments non résidentiels, c’est qu’il a été pris sans la moindre concertation avec les Français et même pas dans le cadre de la transition énergétique. Les Français qui viennent de vivre la disparition des ampoules à incandescence à la faveur des sources développées grâce aux nouvelles technologies, n’ont même pas bénéficié de débats de sociétés concernant ce bouleversement historique de l’offre de lumière dans le pays.

Certes, il faut économiser l’énergie là où il est possible, et pourquoi pas dans les consommations nocturnes de la lumière, mais il faut mesurer et trouver un équilibre dans une société entre une décision environnementale et ses effets sociétaux. On nous dit qu’un tel arrêté permet d’éviter le rejet chaque année de 250 000 tonnes de CO2. Mais peut-on mesurer les conséquences d’une France qui, à partir de juillet prochain, sera plongée une partie dans le noir ? Comment les touristes du pays le plus visité au monde vont réagir face à des façades de bâtiments qui ne seront plus visibles à partir de 1 heure du matin ?

Enfin, un point essentiel n’a pas été soulevé lors de l’élaboration de cet arrêté. Celui de l’impact grandissant des nouvelles technologies sur les industries de l’éclairage qui permet, d’abord par l’innovation, de résoudre bien des difficultés dues aux nuisances lumineuses sur l’environnement, mais aussi par le développement des solutions domotiques, de réguler au plus près l’utilisation de la lumière artificielle. On regrette sur ce point que les représentants de la passionnante industrie de l’éclairage aient été bien timides, mais surtout que l’ADEME ait succombé trop à la pensée magique.