Alors que le projet du Grand Paris et ses contrats de développement territorial ont été adoptés, nous sommes en droit de nous poser des questions sur l’intégration des secteurs concernés par la transformation de Paris-Métropole.

(16 novembre 2012) « L’industrie électrique n’est représentée à Saint-Denis que par deux usines de fondation récente.(…). La plus ancienne, établie rue de Paris en 1889, appartient à la Société anonyme d’Eclairage et de Force par l’électricité qui, ainsi que nous l’avons dit plus haut, est sur, le point de passer avec la ville un traité en vue de l’éclairage public et particulier ». C’est à la lecture de l’ouvrage « Etat des communes à la fin du XIXe siècle : Saint-Denis», édité sous les auspices du Conseil général du département de la Seine en 1902 par le chartiste Fernand Bournon qu’on se rencontre d’une réalité d’aujourd’hui.

Dans le débat si crucial actuel autour de la transition énergétique, on ne sait plus parler du monde qui fait l’industrie électrique. Celle de l’équipement en souffre énormément. Dans un monde où l’énergie est en train de muter d’une offre sur support à une consommation en flux tendu et intelligente grâce aux logiciels, les politiques, qu’ils soient autorités locales comme représentants de la fonction publique, n’ont plus de perception des industriels et des salariés qui construisent les équipements futurs de la consommation électrique.

A cet égard, les deux rencontres de la semaine dernière autour du futur Grand Paris est révélateur. Lundi 12 novembre, à la journée « Le Grand Paris : quels enjeux au-delà des transports ? » organisée par le Groupe de Médias AEF, il y avait certes l’atelier : « Comment assurer l’approvisionnement en énergies du Grand Paris », mais sans la présence d’un équipementier de l’électrique.

Plus grave, le débat s’est déroulé sous l’oeil soupçonneux d’Hélène Gassin, vice-présidente de la Région Ile-de-France, en charge de l’environnement, de l’agriculture et de l’énergie et élu écologiste (en son temps, la Sénatrice Marie-Christine Blandin a fait un travail plus concret dans le nord avec les équipementiers). Ce n’était plus un atelier consacré à la plus belle et la plus visitée région du monde, mais bien une discussion autour de l’approvisionnement en mégawatt d’une collectivité locale.

Deux jours après, le panache manquait aussi au Forum sur les contrats de développement territorial organisé par le préfet de la Région d’Ile-de-France. Dans des formes très mesurées, Bernard Doroszczuk, directeur régional et interdépartemental de l’environnement et de l’énergie d’Ile-de-France, a donné quelques pistes sur la transition énergétique version Grand Paris. Mais c’était sans commune mesure avec la ferveur, au même moment, au Grand Palais de Lille, archicomble d’une jeunesse autour de Jeremy Rifkin. Pour le prospectiviste américain, toute transformation, aujourd’hui, d’une collectivité territoriale doit, en premier, être lié à la question énergétique. D’autant et c’est là où le bât blesse, dans une interview accordée à La Voix du Nord, le gourou de la 3ème révolution industrielle affirme : « Elles sont (les entreprises) de plus en plus nombreuses à vouloir rejoindre mon cabinet de conseils OJR (pour « Office of Jeremy Rifkin, » basé à Bethesda aux Etats-Unis, NDLR). J’ai déjà IBM, Philips, Cisco, Deustche Telecom, Bouygues, Schneider Electric et bien d’autres ». Ainsi, les équipementiers ne sont pas oubliés dans ses plans, et pour savoir qui a raison, nous aurons régulièrement à comparer l’avancement du projet Grand Paris avec celui de Jeremy Rifkin pour intégrer la région Nord-Pas-de-Calais dans la 3ème révolution industrielle.

L’Américain, qui aime tant dans ses livres faire des allées-retours entre les siècles passés et aujourd’hui, aurait certainement aimé lire l’ouvrage de Fernand Bournon, « Etat des communes à la fin du XIXe siècle », consacré à la Courneuve. Le chartiste historien de Paris écrit : « Une commission fut nommée, le 3 juin 1882, pour étudier la question de l’établissement de l’éclairage public par lampes à huile. Un traité fut passé à cet effet, le 26 aoùt 1882, avec la Société générale d’éclairage, rue Riboutté, à Paris, aux termes duquel l’éclairage devait durer dix heures, d’octobre à mars ; il comportait 30 becs à raison de 5 centimes par bec et par heure. L’année suivante, un bec nouveau fut installé en face du n° 1 de la rue d’Aubervilliers ». C’était le XIXe siècle francilien, l’époque où les équipementiers de l’électrique étaient reconnus par les archivistes, les détenteurs de notre mémoire collective et public.