A Mayence on s’est déchiré dans l’indifférence au printemps dernier autour de la construction moderne d’une tour de la Bible en complément au musée de l’inventeur de l’imprimerie. Un référendum en avril a fini par donner raison aux habitants-opposés à l’édifice futuriste. Un fait local qui illustre une certaine crise de la gestion municipale dans les cités européennes.

A l’heure du tout numérique il semble qu’on n’a plus de projet pour l’imprimerie et son inventeur. Dans ces moments de doutes où les auteurs européens de toutes conditions en appellent au parlement de Strasbourg pour légiférer sur les droits d’auteur face au GAFA, on aurait pensé que les élus de la ville de Mayence soient conscients de leur responsabilité. Maintenir dans son jus d’origine le quartier de celui qui un jour du 16ème siècle a transformé la transmission du savoir, est devenue essentielle, un repère face à la pieuvre des industries du digital.

A Grenade il n’y a pas eu besoin d’un nouveau patio moderne pour perpétuer la mémoire de la splendeur des palais de l’Alhambra. A Paris, le Louvre par contre est assez grand pour pouvoir abriter une Pyramide en verre. A Mayence c’est autre chose. Alors qu’une bourrasque immatérielle depuis 20 ans venant d’Outre Atlantique, balais la pensée imprimée et capte sa valeur, les fondements de la civilisation de Gutenberg devenaient telles des ruines archéologiques, un héritage à maintenir intact.

En avril dernier, ils ont été 77,3% citoyens de Mayence à s’opposer à la construction d’un bâtiment futuriste au nom de Tour Biblique, en référence au premier ouvrage imprimé par Gutenberg. On peut alors s’interroger sur les 22,7% d’Allemands  qui ne voyaient aucun inconvénient à transfigurer le paisible vieux centre de la ville de naissance de la civilisation de la typographie. Il est possible qu’ils font parti de cette population de cadres pris au piège de la marée numérique venue de la Sillicon Valley. Des habitants de Mayence qui aspirent à voir leur ville prendre le chemin du tout connecté au détriment des valeurs intangible de l’ère Gutenberg.

Ainsi, il faut savoir qu’au moment où des crispations apparaissent autour de l’avenir du musée Gutenberg, Mayence fait partie des premières villes d’Allemagne inscrites dans le réseau Smart Cities du pays. On y réfléchi déjà aux possibilités des objets connectés pour faire dialoguer les compteurs d’eau, les poubelles et les parcs de stationnement… Mais vouloir aspirer à devenir une ville en phase avec la transition numérique des territoires urbains pour offrir à ses habitants des solutions à leurs maux de citadins, ne veut pas dire que le patrimoine doit nécessairement s’adapter à ces mutations technologiques.

Peut être les 77,3% des habitants de Mayence qui ont voté contre la promotion immobilière adossée au musée de l’illustre citoyen Gutenberg, se sont considérés comme étant responsable de l’avenir de la civilisation de l’imprimerie. En peut croire que figure parmi eu Dr. Peter Hanser-Strecker, patron-passionné et lumineux d’intelligence de la vénérable maison d’édition musicale Schott. Véritable ambassadeur de la ville de Gutenberg qu’on aime croiser dans les capitales européennes lors de rencontres musicales, en juillet 2017 pour son soixante-quinzième anniversaire, il organisa un mémorable gala de donations en faveur du musée de l’inventeur de l’imprimerie.

Il semble ainsi qu’aujourd’hui il y a un réel schisme entre les détenteurs de la culture vernaculaire de Mayence et ceux parmi les autorités municipales qui ne voient l’avenir que par le prisme d’une promotion urbaine. Et pour cause, après avoir subit comme une gifle l’opposition des citoyens de Mayence à une construction qui ne valorise pas le patrimoine de leur ville, les autorités locales communiquent ces dernières semaines que sur l’exigence des normes de sécurité qui doivent être appliqué à la demeure de Gutenberg. On dit même que le musée risque de fermer si on ne prend pas les décisions nécessaires.

Peut-on penser que les politiques à Mayence sont en panne d’idées et d’imagination patrimoniale? On peut le croire lorsqu’on voit que le traditionnel marché du livre devant le musée Gutenberg, tarde à obtenir les dates de son déroulement qui habituellement avait un agenda fixe, c’est-à-dire un samedi chaque mois. Son organisateur, Jürgen Kipp, n’est pas satisfait de ses relations avec la municipalité sur ce sujet. On lui a même indiqué qu’à cause des évènements footballistiques de la Bundesliga, la ville ne pouvait à la fois supporter un marché du livre et un match de foot le même jour. Voilà qui peut faire tourner Johannes Gutenberg dans sa tombe, lui qui a enduré à Mayence pour inventer une révolution de la transmission du savoir.