Plus on rentre dans les premières phases de la transition énergétique, plus une anomalie se fait sentir entre la capacité des informaticiens à être partout face à des électriciens qui ne réfléchissent qu’en termes de production, distribution et consommation énergétique.
Une transition énergétique doit-elle se réaliser qu’avec des entreprises impliquées dans l’offre de l’électricité et du gaz ? L’ubiquité, c’est-à-dire être partout, n’est-elle pas la stratégie d’avenir pour réussir dans l’énergie de demain ?
Le cas des géants de l’Internet, qui sont souvent tout à la fois dans l’offre des biens culturels, des biens de consommation et des services, notamment de la domotique, démontre qu’il n’existe plus de vocation propre à l’industrie énergétique. Le cousinage électriciens et électroniciens qui a longtemps prévalu rue Hamelin, le fief de la Fédération des Industries de l’Électrique et l’Électronique, est en train de voler en éclat.
L’ubiquité bouleverse les codes de l’industrie énergétique
Comme l’a affirmé le prospectiviste Dominique Chauvin dans une rencontre autour de la transition énergétique française en 2014, « peut-être l’énergie n’est plus une offre industrielle à l’utilisateur final, mais un service d’usage qui sera porté constamment par le consommateur dans sa mobilité et cela aidé par les outils numériques ».
C’est dans ce moment de doute et de transition quant à l’avenir énergétique de la France que l’ubiquité propre au monde informatique prend toute sa mesure. Des géants du secteur viennent bousculer l’orthodoxie des énergéticiens avec une nouvelle vision, design et sens du service, pour offrir la fée électricité.
La femme attend qu’on lui parle de domotique
Avec des industriels leaders dans la production, le transport de l’énergie et la fabrication et la distribution de ses équipements, la France a longtemps dominé les marchés mondiaux de l’électricité. L’ubiquité des rois du logiciel californien vient bousculer cette hégémonie verticale et perturbe notre rapport à l’énergie, qui n’est plus statique, mais véritablement virtuel.
Lorsque le pionnier des observateurs du bâtiment intelligent, le journaliste Bruno de La Tour, indique, ces dernières années, que la domotique ne s’est pas imposée aux Français parce que » nous n’avons pas réussi à parler de cela à la femme », voilà qui conforte l’idée que le salut des équipementiers est d’élargir leur vocation au-delà des simples services énergétiques. Puisque tout simplement chaque femme aujourd’hui a un smartphone qui permet d’assouvir leur désir d’ubiquité.
Il faut lire le texte « La conquête de l’ubiquité » de Paul Valéry
Paul Valéry a bien écrit de manière prémonitoire dans son texte » La conquête de l’ubiquité », paru dans De la musique avant toute chose, Éditions du Tambourinaire, 1928. « …Comme nous sommes accoutumés, si ce n’est asservis, à recevoir chez nous l’énergie sous diverses espèces, ainsi trouverons-nous fort simple d’y obtenir ou d’y recevoir ces variations ou oscillations très rapides dont les organes de nos sens qui les cueillent et qui les intègrent font tout ce que nous savons. Je ne sais si jamais le philosophe a rêvé d’une société pour la distribution de Réalité Sensible à domicile… »
À l’époque, le philosophe, ne pouvait imaginer qu’un jour on parlera même de « mobiquité », puisqu’à l’heure des TIC, ubiquité et mobilité sont devenues notre pain quotidien.