Le calendrier politique de la transition énergétique qui pousse à l’équipement des foyers français en compteurs intelligents, ne se doute pas d’une possible nouvelle configuration des métiers de l’énergie. L’avènement du statisticien comme nouvel artisan de l’offre électrique.

Le professeur Hal Varian, économiste en chef du géant Google ne s’y est pas trompé lorsqu’il affirmait en 2012 : « La profession de statisticien sera à l’avenir aussi à la mode que ne l’a été celle de l’informaticien dans les années 80 ». L’enseignant de macro-économique de l’Université de Berkley ne voyait cette mutation que dans son monde, le périmètre des industries numériques.

Pourtant, à bien y réfléchir, la statistique suit comme le chien son maître, là où s’immisce l’activité de l’analyse des données. Et on peut croire que si le compteur intelligent pousse les portes de nos demeures, c’est aussi le statisticien qui entre dans notre vie familiale. Jusque-là, on avait dans le domaine de l’électricité une relation avec ErDF qui prélève de loin ou rarement sur le compteur notre consommation, et l’artisan électricien qui intervenait pour que le courant soit une réalité dans toute notre demeure.

L’arrivée du compteur intelligent préfigure le début d’une autre relation entre nous et notre consommation électrique. La convergence énergie/numérique nous ouvre le domaine de l’analyse du comptage et ses données. Et à défaut d’être un salarié de l’INSEE pour jongler avec ceux-ci, on aura besoin d’un statisticien comme on avait besoin d’un électricien pour tirer du câble entre le couloir et la chambre des enfants. Jusque-là, les professionnels de l’électricité se sont abstenus de parler de statisticien, préférant les qualificatifs de gestionnaire de bâtiment et d’energy manager.

Pourtant, après un siècle de comptage de la consommation de l’électricité, c’est bien celui de son analyse qui s’ouvre devant nous. Puis, si on prend la définition chère à l’économiste Michel Volle : « Le métier de statisticien embrasse la pratique professionnelle depuis la construction des nomenclatures jusqu’à la publication des résultats, en passant par la collecte et la vérification des données ».

Ainsi, il est une question essentielle que le consommateur ne se pose pas encore en France et qui sera cruciale lorsqu’il aura à gérer toutes les données proposées par le compteur intelligent installé chez lui. Que faire de toutes ces informations concernant sa consommation, offerte à flux tendu par le réseau ? Quelle lecture avoir de ces données, comment les recouper, comment les analyser et quoi en tirer ?

Et comment transformer ces informations en actions pertinentes pour en tirer le meilleur dans sa gestion de l’énergie ? Voilà alors que se pose la question d’un nouveau statut professionnel pour intervenir sur la consommation électrique. Un troisième professionnel avec qui notre relation sera toute autre, tant il saura en maniant nos données, à quelle heure sonne notre réveil, à quel moment nous finissons le petit-déjeuner et l’instant du départ du domicile.

Si tous ces éléments doivent être gérés par ce nouvel acteur de l’offre énergétique, n’est-il pas judicieux de commencer à élaborer une réglementation au sujet des informations traitées par le futur compteur intelligent ? Enfin, à l’heure où les Big datas sont le sujet qui excite le landerneau de l’internet, n’est-il pas urgent d’ouvrir la question des données gérées par le compteur communicant via le réseau intelligent.