Faire de l’innovation numérique urbaine via les mémoires du commerce locale, voilà l’originalité d’une politique de Smart Cities qui nous vient du Portugal. Cela au même moment où, à Toronto, un ambitieux projet de petite ville intelligente pilotée par une filiale de Google, connaît des suspicions. Analyse.
Une idée Smart City au Portugal
De multiples classements se bousculent concernant les plus Smart Cities des villes et métropoles du monde, mais certaines municipalités portugaises viennent de se distinguer de la plus belle manière. Successivement et en partenariat avec des associations, les chambres de commerces et les autorités locales, les villes portugaises ont équipé les façades des magasins, de tuiles en céramiques (azulojos) munies de puces informatiques. Il suffit alors au citoyen ou au touriste d’apposer son smartphone sur la tuile et c’est toute l’histoire, les produits et l’actualité du magasin qui s’offrent sur son mobile.
Une idée Smart City à Toronto
La capitale canadienne possède un organisme gouvernemental au nom de Waterfront Toronto. Ce dernier a eu l’idée pour les développements « ville intelligente » de la collectivité locale, de contracter un accord, en octobre 2017, avec une société spécialisée du nom de Sidewalk Labs. Le projet vise à créer un quartier futuriste sur le front de mer de Toronto, avec des robots de collecte des déchets, des navettes sans conducteur, des routes intelligentes, ainsi que des logements modulaires et flexibles…, bref, pour 1 milliard de dollars d’investissement, Sidewalk Labs veut construire la première ville intelligente complète.
Une idée Smart City au Portugal
Déjà plus de 250 établissements commerciaux, à Lisbonne, Porto, Aveiro, São João da Madeira et à Braga…, on eu le privilège d’inaugurer, avec les autorités locales, les responsables du commerce et diverses personnalités, leurs « azulojos intelligentes » au nom poétique de «Comércio Nosso» (Notre Commerce). Cela se fait dans la bonne humeur avec un pincement de fierté, car comme l’expliquait à Braga, Rui Marques, directeur général de l’Association commerciale de la ville du nord du Portugal : « Il s’agit d’une initiative innovante et différente de concept de smart city, qui contribue à la promotion et à l’appréciation du commerce traditionnel. Nous avons été ravis de cette manière intéressante de combiner tradition et technologie dans les centres villes. »
Une idée Smart City à Toronto
A Toronto, depuis l’annonce du projet en octobre dernier, les détails du projet ont mis du temps à se faire connaître. Soutenue par le gouvernement fédéral de Julien Trudeau, le projet mené par Sidewalk Labs devait bénéficier à l’ensemble d’un secteur de la ville riverain du lac Ontario, soit 320 ha, pour en faire le nouveau quartier haute technologie de la ville. Aux dernières nouvelles, à la la signature d’un accord de 58 pages entre Sidewalk et Waterfront Toronto, le projet a été revu à la baisse, et porte désormais sur seulement 4,8 ha. Il semble qu’au fil du temps, à Toronto, on découvre que la vision de l’importance du projet de Sidewalk labs n’était pas si claire. Son cadre initial assez peu détaillé a laissé se multiplier les critiques au fil du temps, notamment sur comment les données des Torontois allaient être gérées et par qui.
Une idée Smart City au Portugal
La tuile céramique «Comércio Nosso», qui n’en finit pas de gagner les faveurs des petits commerçants, de leur représentants professionnels et des autorités locales, est née dans la cité balnéaire d’Aveiro, au nord du pays. Ville universitaire par excellence, depuis 1973, où se côtoient l’enseignement de l’architecture et des sciences de l’ingénieur, elle abrite l’Agence Ours qui marie avec bonheur plusieurs savoir-faire, du design aux nouvelles technologies, avec le journalisme et l’urbanisme. C’est dans ses bureaux qu’est née l’idée de revivifier les vieux centres villes portugais, grâce à l’association de la mémoire des commerces aux usages numériques.
Une idée Smart City au Canada
Même si un accord a fini par être trouvé, entre l’établissement public de Toronto Waterfront et la société new-yorkaise Sidewalk, pour créer le quartier intelligent de la capitale canadienne, le projet « Dynamic Street » laissera des traces dans la politique locale. Car au fil du temps, élus locaux comme responsables de Toronto se sont aperçus qu’il ne suffisait pas, pour bâtir des villes intelligentes, d’avoir des partenaires privés aux moyens conséquents, comme Sidewalk, mais qu’il fallait aussi fournir des garanties d’indépendance concernant la gestion des données des citoyens, générées par les infrastructures nouvellement installées. Sidewalk est connue pour être une filiale d’Alphabet, la maison mère de Google, et, depuis octobre, et sa désignation comme prestataire du projet, il n’a pas été claire de comment les données, jusqu’à susciter des démissions, à l’exemple de Will Fleissig qui présidait Waterfront Toronto ou, bien plus récemment, celle de Julie Di Lorenzo, membre de son Conseil.
Conclusion
Il semble que les usages du numérique ne se développent pas de la même manière dans l’espace privé et dans l’espace public. Si par l’utilisation personnelle de nos outils numériques, nous avons au fil du temps été habitué à naviguer sur la toile en laissant ça et là nos données, notamment chez les GAFA, il en est autrement de notre présence dans le territoire de nos villes et villages. La collectivité locale s’estime responsable des informations de ses citoyens et, à juste titre, des débats et questionnements qui s’imposent face à un porteur de projet ou face à la filiale d’une entreprise, telle Google qui a une position dominante sur un secteur donné de l’univers numérique. Interrogation qui n’est nullement nécessaire dans le cas d’une petite agence de design portugaise.
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