(25 mars 2014) En février, des officiels algériens, sont venus faire le tour des métropoles françaises pour un dialogue avec une élite franco-algérienne qui se croyait à jamais délaissée par le pays d’origine. Le quatrième mandat de Bouteflika vient encore briser l’espérance d’individualités qui se sont épanouies professionnellement en France, mais qui butent sur le mode clanique des relations en Algérie.

Habitués en France et dans le monde à progresser au mérite, à évoluer dans des filières où leurs connaissances sont plus évaluées que leurs carnets d’adresses, les Algériens expatriés n’en peuvent plus d’attendre pour exister aussi dans leur pays d’origine. Surtout, à un moment où l’accélération de la mondialisation l’apparition de pays émergents et l’influence des nouvelles technologies sur la communication donnent le sentiment à tout un chacun de pouvoir influer de loin sur le destin de son pays, dans le périmètre où il excelle. Quelle Algérienne, chef d’entreprise dans un pays européen, imaginerait du jour au lendemain, se voir attribuer un poste de ministre à Alger, comme c’était récemment le cas en Tunisie ?

Souffrance de ne jamais être reconnus comme individus

L’ingénieur, le médecin, l’avocat, le scientifique, l’artiste, le commercial…, expatrié se voit dans son rapport au pays, fréquemment interpellé par l’humiliant « qui connais-tu ? » plutôt que par le valorisant « que sais-tu ? ». Combien d’Algériens de diasporas à travers le monde souffrent de ne jamais être reconnus comme individus, par rapport à un itinéraire propre que de se voir considérés uniquement par rapport à une relation privilégiée avec une autorité du pays ? L’opposition à un quatrième mandat de nombreux expatriés ou Franco-Algériens vient de cette lassitude d’un clan Bouteflika qui favorise des relations de clientélisme à celles des vocations et du mérite.

Récemment, un diplômé de la vénérable École des Mines de Paris, devenu directeur d’une filière d’un énergéticien français, racontait une anecdote : « Lors d’un appel d’offres, des cadres algériens sont venus évaluer nos produits dans la filière que je dirige. Ces derniers ont engagé des discussions avec un de mes collaborateurs et il a fallu un bon moment pour qu’ils découvrent et acceptent que c’était moi le patron, c’est moi qui apposais sa signature en bas du contrat ».

Ne pas tomber dans le piège de la rivalité des élites

Les nouvelles générations qui sont nées bien après la guerre d’indépendance, sont de moins, moins enclines à tomber dans le piège de la rivalité entre élite de l’extérieur et élite de l’intérieur. Ainsi, quelle gynécologue d’origine algérienne pratiquant au Canada, au Brésil, en Allemagne et en France, ne se sent pas proche d’Amira Bouraoui, une confrère du quartier Bab El Oued à Alger, égérie du mouvement « Barakat » (« ça suffit »), contre le quatrième mandat de Bouteflika ?

C’est peut-être la grande leçon de la crise ouverte par l’annonce de la candidature du Président sortant à sa propre succession. Une sorte de corporatisme d’élite entre pays d’origine et enfants de l’exil (des médecins, des architectes, des ingénieurs, des étudiants et enseignants…), est en train de prendre forme et qui veulent tourner la page d’un pouvoir FLN à jamais moribond et au design vieillot.