(16 juin 2013) L’industrie de l’éclairage qui vient de connaître un passage de relais historique, celui de la lampe incandescente à la diode électroluminescente apparue à la faveur des nouvelles technologies, doit faire face à l’éclosion de start-ups dans son secteur. Ce marché, va-t-il devenir « d’opportunités », après avoir été un monde de vocation, à la frontière de l’industrie et de l’esthétique ?

« Les LED occuperont 70 % du marché de l’éclairage d’ici 2020 », explique-t-on dans les médias, ces dernières semaines. On présageait la même chose, il y a plus d’une dizaine d’années, pour l’industrie musicale : « d’ici 2010, plus 70 % du marché de la musique sera sur Internet ». On sait comment les choses ont évolué, puisque des géants du web et des télécoms qui n’ont, ni de près ni de loin, la moindre notion de production artistique ont pris le monopole de la distribution dématérialisée de la musique.

À l’instar de l’industrie musicale, celle de l’éclairage a aussi ses majors et ses indépendants. Et les géants comme les petits de l’industrie de la lumière ont toujours associé au commerce de leurs produits, la notion de trois services : la santé, l’efficacité énergétique et l’artistique. Les entreprises de l’éclairage se sont ainsi développées, chacune se positionnant pour offrir une lumière en phase avec les possibilités du corps humain (la vision), la consommation énergétique et en harmonie avec l’architecture de nos cités et demeures.

Il est à craindre, avec l’emballement autour du secteur de l’éclairage lié à l’avènement des LED et ses possibilités technologiques, que les nouveaux entrants dans ce marché sacrifient ces services essentiels du commerce de la lumière artificielle. Historiquement, l’éclairage est l’une des industries de l’énergie où, ingénieurs et techniciens de la chose électrique doivent composer avec d’autres corps de métier. Cela va du monde de la recherche scientifique et médicale, à propos des maladies de l’oeil, à celui des architectes.

Pour ces derniers, prenons en exemple l’un de ses multiples métiers, celui de technico-commercial chargé du développement de l’éclairage dans les agences de distributeurs en matériel électrique. C’est tout un savoir-faire que d’accompagner le projet d’installation d’un nouvel éclairage pour les façades du Louvre, d’un gratte-ciel à la Défense ou bien l’intérieur d’un centre commercial. C’est tout un art de se positionner entre un architecte exigeant artistiquement, mais sans rigueur technique, et un éclairagiste qui se limite aux possibilités de ses produits.

Amener l’architecte, celui qui en France a le pouvoir sur le classement d’un bâtiment en monument historique, à composer avec l’expert de la technicité en offre de lumière artificielle. Une question essentielle se pose au moment où un décret de Delphine Batho doit, en juillet, entrer en application pour une réduction de l’utilisation de l’éclairage de nuit dans les bâtiments du tertiaire. Comment les nouveaux entrants dans les métiers de l’éclairage, à la faveur de l’explosion de l’éclairage numérique, vont-ils s’inscrire dans ces professions, dont certaines sont plus que centenaires ?

Ainsi, il est bien beau, ces dernières semaines, d’affirmer que les entreprises traditionnelles de l’éclairage sont bousculées sur le marché des LED, par de petites entreprises innovantes et à forte valeur technologique. Mais doit-on être attentif aux dérives ? Celui de voir dans un secteur aussi essentiel que l’industrie de la lumière, éclore des business plan et des levées de fonds qui peuvent mener tout droit à des bulles financières.