Chers Maires de France,
Je comprends la situation indécise dans laquelle vous vous trouvez. Devant cette crise sanitaire qui n’en finit pas, je vous sens actuellement partagé entre un optimisme à réussir la transition numérique de vos collectivités locales et un pessimisme devant la raréfaction des budgets municipaux pour engager des projets numériques qui, dans certaines collectivités territoriales, ont connu jusqu’à 40% de baisse. Mais il y a un point essentiel auquel vous devez réfléchir pour contourner ce manque de moyens financiers. Renforcer votre relation avec le monde de la recherche scientifique universitaire.
Vous devez comprendre chers Maires de France que pour réussir une transition numérique, il est nécessaire que vous ayez une politique publique dans ce domaine où la relation entre collectivité territoriale, pôle universitaire et entreprise, soit la plus fluide possible. La première met à disposition sa parfaite connaissance des territoires et de ses services publics, la deuxième offre les outils scientifiques nécessaires à l’innovation et la troisième met son talent de l’entreprenariat pour réussir les projets. Malheureusement, et vous devez le constater quotidiennement, c’est cette relation à trois qui fait défaut dans les territoires de notre pays.
On peut dire que cette absence remonte à très loin. Dans son livre « La révolution industrielle : 1780-1880 », publié en 1971, l’historien Jean-Pierre Rioux écrivait : « … En France, en dehors des grandes écoles scientifiques comme Polytechnique, Centrale ou les Mines qui fournissent les ingénieurs indispensables, la recherche scientifique universitaire reste confidentielle et sans lien concret avec l’industrie : signe évident d’une timidité du capitalisme français, plus rentier que technicien. Dans les pays anglo-saxons et germaniques, en revanche, les universités délivrent un enseignement efficace, en symbiose avec les laboratoires des entreprises chimiques, électriques ou métallurgiques… ».
Chers Maires, si vous remplacez les mots « chimique, électrique et métallurgique » par « numériques, intelligences artificielles, données », vous prendrez la mesure du retard actuel de notre pays dans sa transition numérique de ses collectivités territoriales et vous comprendrez pourquoi depuis 2011, avec www.territorialchallenges.com, nous vous invitons à consulter les bonnes pratiques en projets numériques de vos collègues à l’étranger. Ainsi, lorsque le maire de la ville texane de San Antonio, aux Etats-Unis, est venu, en novembre dernier, pour signer avec la ville de Darmstadt, en Allemagne, des accords concernant le numérique entre les universités des deux municipalités, il est essentiel que vous ayez une synthèse détaillée de ce partenariat.
Pour comprendre l’enjeu que représente une relation dynamique entre collectivité territoriale, monde universitaire et entreprise, je vais vous raconter une anecdote. La semaine dernière, la biochimiste Katalin Kariko qui a permis au monde d’avoir les premiers vaccins contre le COVID 19 avec ses recherches sur l’ARN Messager, a félicité sur sa page LinkedIn, le français Stéphane Bancel, PDG de Moderna, qui venait d’obtenir pour 2021, le Prix Henri A. Termeer qui honore les personnes qui ont contribué de façon significative à la croissance et au succès de l’industrie des sciences de la vie dans l’Etat du Massachusetts, aux Etats-Unis. Ainsi les autorités locales de ce dernier qui possèdent avec Harvard et le MIT parmi les plus importantes institutions universitaires au monde, intègrent déjà dans leur plan de promotion territoriale, les succès d’une startup dirigée par un Français, pour renforcer un leadership mondial dans les industries biotechnologiques.
Chers Maires, à www.territorialchallenges.com, nous ne sommes pas les seuls par notre veille quotidienne et internationale, à faire ce constat sur le refus souvent de nos élites à regarder les bonnes pratiques qui se réalisent ailleurs pour dynamiser l’innovation dans nos collectivités territoriales. Un de vos collègues, Philippe Juvin, le maire de la Garenne-Colombes, dans une tribune publiée dans Le Monde du 28 avril au titre éloquent « Covid-19 : L’inculture scientifique des élites françaises a des effets profonds sur la conduite des affaires de l’Etat », le maire-médecin du nord-ouest de Paris a écrit : « … Si nos élites avaient été formées à la démarche scientifique, elles analyseraient, compareraient et concluraient naturellement à la nécessité de nous inspirer d’expériences qui fonctionnent ailleurs. Ce que nous ne faisons quasiment jamais… ».
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