Le « Sommet mondial sur l’inclusion, l’innovation et la résilience » s’est tenu les 21 et 22 novembre à l’Hôtel de Ville de Paris. Cet important raout a réuni une cinquantaine de maires innovants et dont chacun a exprimé une vision d’ensemble en tant que premier administrateur d’une collectivité locale à l’ère de la révolution numérique. Mais de ce forum parisien, il en est sorti une impression de difficultés qu’ont les élus à s’approprier en chef d’orchestre la gestion intelligente de leurs villes.

À l’Hôtel de Ville de Paris, l’art s’y exprime avec puissance et J. Gonsalez est un édile américain qui a sursauté lorsqu’on lui a posé une première question tant il semblait admiratif en ce haut lieu de notre capitale. Et ce maire de Santa Fe doit s’y connaître car sa ville aime les artistes si l’on en juge par ses 800 galeries de peintures. D’ailleurs, lors du débat sur la ville, il n’a pas caché qu’il s’est oublié à admirer le plafond de la salle Jean-Paul Laurens, artiste qui a laissé au lieu huit panneaux relatant les étapes de la conquête des libertés municipales sur le pouvoir royal.

Mais laissons là ce décor fastueux. Entouré des maires Esther Alder de Genève et de Ahmed Aboutaleb de Rotterdam, J. Gonsalez a affirmé que ses services utilisent désormais le big data pour suivre leurs administrés notamment en terme d’éducation « de la naissance à la fin de l’adolescence ». Esther Alder quant à elle, a insisté sur la responsabilité municipale à accompagner socialement les habitants les plus fragiles alors qu’Ahmed Aboutaleb, par ses anecdotes a raconté la possibilité de soustraire des tâches aux professionnels qualifiés tout en les proposant autant que possible à ceux qui n’ont pas de diplômes.

Mais à travers ce genre d’expériences, il semble qu’une tendance lourde se dégage chez les maires des grandes villes et les experts. Celle d’exprimer un discours qui ne soit pas trop technophile autour du thème de la ville intelligente tout en restant sur des thématiques sociales, économiques et culturelles. Un exercice difficile lorsque l’on sait que les experts qui ont investi depuis plusieurs années le concept de la ville intelligente, viennent pour la plupart de la recherche dans les sciences de l’ingénieur, sinon des entreprises de l’industrie de l’équipement et des nouvelles technologies.

À une exception près, Carlos Moreno, Président du Comité Scientifique du Forum et consultant international pionnier du sujet Ville intelligente, prévient dans un supplément de la Tribune publié à l’occasion de l’évènement : « …S’intéresser à l’intelligence de la ville, c’est avant tout s’intéresser à son identité, à ses traits socio-économiques, culturels, écologiques propres et aux exigences de plus en plus fortes de ses citoyens vis-à-vis de la gouvernance ».

Durant ces deux jours à Paris, les édiles présents ont bien été en phase avec cette vision de l’expert Carlos Moreno, et chacun d’eux a essayé d’exprimer au mieux sa ville intelligente sous l’angle non-technologique. Reste, que chacun d’eux véhicule en dehors de ses attributions de maire, sa singularité et son identité sans oublier sa formation initiale. Il n’est pas donné à toutes les villes du monde d’avoir un maire comme celui de Rotterdam, ingénieur-électronicien pouvant affirmer «…la vision de la manière dont les citoyens de ma ville utiliserons leur Smartphone dans 10 ans…». D’autant que certaines municipalités et pas des moindres, n’ont même pas de maire adjoint chargé du numérique.

Le malaise subjacent pour tout débat sur la ville intelligente ne vient-il pas d’un sujet souvent reporté, sinon occulté, celui de la formation des élus au numérique ?

Sous d’autres cieux, cette très bonne question d’ailleurs  vient d’être posée par deux scientifiques et un journaliste suédois à des politiques de leur pays.

Danica Kragic Jensfelt, professeur d’informatique à l’Institut Royal de Technologie, Mat Lewan, journaliste spécialisé en science des technologies et Robin Teigland, professeur en administration des affaires à la Stockholm School of Economics, ont uni leurs plumes pour demander que soit mise sur pied une journée de formation aux politiques du pays afin qu’ils développent une vision claire des changements sociétaux qu’induit la révolution numérique en marche.