(20 octobre 2013) À l’heure de l’Industrie 4.0, la fine fleur des grandes écoles de nos ingénieurs ne pouvait ne pas marquer de son empreinte l’avènement de la troisième révolution industrielle. Alors la question, allons-nous vers l’émergence, sur le plateau du Saclay, d’un MIT à la française ?
En ces temps de crise et de doutes à la française, il faut croire que l’alliance, plutôt la fusion entre une école publique et une école privée plus que centenaire d’ingénieurs mérite l’attention. Et au-delà des peurs, des prémonitions des uns et des autres, particulièrement celles des employés des deux institutions, une question essentielle mérite une réponse. Que peuvent, l’École Centrale de Paris, née en 1829, sous l’ère de la 1re révolution industrielle, et Supélec, fondée en 1894, sous la deuxième, apporter en commun, d’abord au Saclay, et par extension, à l’enseignement scientifique et à l’économie française ?
La semaine dernière, à l’occasion du passage de relais entre Alain Bravo et Hervé Biausser à la tête de Supélec, il planait dans l’amphithéâtre de cette dernière comme deux esprits. Celui d’Alphonse Lavallée, le fondateur de l’École Centrale de Paris, un juriste, saint-simonien convaincu, qui, face à l’accélération de la Première révolution industrielle, voyait le besoin criant d’une élite d’ingénieurs pour créer et faire tourner les usines. Celui d’Arsène d’Arsonval, le géniteur de Supélec, un physicien, médecin et inventeur dans le domaine médical qui, devant l’émergence de l’industrie électrique, voyait le besoin d’ingénieurs électriciens pour répondre au fort développement de la consommation énergétique de la fin du XIXe siècle.
À l’époque, pour les ingénieurs de Centrale et de Supélec, la notion d’innovation s’exprimait dans le monde de la sidérurgie et de l’industrie électrique qui faisaient office d’incubateur pour les « start-ups », celles qui donneront par la suite les Schneider Electric, la CGE, les Alstom et autres fleurons de l’industrie française. Il n’y a qu’à voir l’itinéraire de Pierre Azaria, né au Caire de parents arméniens orthodoxes, formé à Centrale avant de créer la Compagnie Générale d’Électricité (CGE) en 1898, pour se convaincre de l’esprit de diversité qui animait nos grandes écoles françaises durant la Troisième République. Qui peut imaginer que la CGE fondée par un enfant de la diversité à la française allait par le hasard de l’histoire devenir un fleuron de l’électronique après avoir absorbé, en 1968, Alcatel.
Aujourd’hui, l’esprit du centralien Pierre Azaria continue de se perpétuer au dernier étage de Supélec, grâce à la présence depuis 2007 de la Chaire Alcatel-Lucent consacrée à la radio flexible et aux travaux menés par une mosaïque de doctorants dont les origines multiples font du Saclay un vrai creuset de la recherche internationale. C’est ici que la fusion Centrale et Supélec prend tout son sens, celui de l’émergence d’une sorte de MIT en phase avec la révolution en cours, celle de l’industrie (digitalisée) 4.0.
La semaine dernière, lorsqu’Alain Bravo a donné les clés de Supélec à Hervé Biausser, patron de Centrale, pour construire le mariage des deux institutions sur un même campus, le Saclay n’avait plus de sens que celui d’être un territoire d’accueil. Comme dans la Silicon Valley pour Standford University, comme pour Princeton University dans le New Jersey et au Massachusetts Institute of Technology à Cambridge (tout près de Boston), Centrale-Supélec est devenu un espoir d’une France qui attend encore à voir surgir, de ses universités, des géants, à l’exemple de Google, Yahoo!, Apple et bien d’autres rois des usages dans le monde numérique.
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