Chers Maires de France,
Je vous sens très inquiets et à juste raison. Ces trois dernières années, les évènements se sont enchainés pour vous à un rythme très soutenu et vous vous interrogez sur un sujet essentiel concernant vos territoires. L’Etat, ses institutions et son administration sont-ils à la hauteur d’enjeux majeurs qui, entre mondialisation des échanges et crise sanitaire, bouleversent le quotidien de vos administrés ?
Vous pouvez me croire, une grande partie des maux sociétaux qui impactent vos municipalités relèvent de la transition numérique qui transforme en profondeur vos territoires. Un sujet qui est au cœur de notre métier à www.territorialchallenges.com, celui de collecter grâce à la veille stratégique internationale, les bonnes pratiques en matière de projet territoires intelligents de par le monde.
C’est pour cela que dans cette troisième lettre, j’ai choisi de vous parler d’un tableau unique, propre au génie français. Un chef-d’œuvre qu’on estime encore être le plus grand du monde. La Fée Electricité de Raoul Dufy qui vient d’être restauré dans un Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, lui-même rénové. Et je vous propose pour que vos territoires soient à la hauteur des enjeux de leur transformation digitale, de réfléchir à la réalisation d’une Fée Numérique.
En 1937, lorsque vos prédécesseurs de l’époque ont convergé vers Paris pour visiter l’Exposition universelle qui associait, dans un esprit unique à la France, les arts aux techniques modernes, ils étaient honorés de voir chacun sa région sublimée par un pavillon féerique à la diversité culturelle riche de terroir et de patrimoine du vivant. Mais ils étaient tout autant subjugués par la peinture monumentale installée dans le hall du Palais de la Lumière et de l’Electricité, construit pour l’évènement sur le Champ-de-Mars.
Chers Maires de France, cette idée de sublimer par une œuvre d’art, à la fois l’aventure des découvertes de l’électricité et la représentation de la lumière dans l’imaginaire de l’humanité, a été commandée par Charles Malégarie, le directeur à l’époque de la Compagnie parisienne de distribution d’électricité (CPDE). Même s’il est aujourd’hui injustement oublié, sans ce patron polytechnicien hors norme par, à la fois, sa vaste érudition culturelle et sa vision moderne de la direction d’une entreprise, peut-être que la France n’aurait jamais eu ce chef d’œuvre unique. Car il faut savoir que Charles Malégarie était un des rares patrons à avoir intégrer à la direction de l’entreprise qu’il dirigeait, la CPDE, un conseiller dans le domaine des beaux-arts, en l’occurrence le peintre Marcel Roche.
Ainsi, il y avait entre le XIXème siècle et la première moitié du XXème, un Georges Berger qui pouvait à la fois organiser la première exposition internationale d’électricité de 1881 et enseigner la peinture à l’école des Beaux-Arts. Un Auguste Detoeuf capable de faire un discours fameux sur la fin du libéralisme, d’être le premier président d’Alsthom et tenir une correspondance émouvante avec la philosophe-humaniste Simone Weil qu’il avait fait embaucher en 1934, et à qui il écrivait : « J’aurais dû être un petit philosophe de campagne ». Enfin, un Charles Malégarie qui pouvait diriger la plus emblématique compagnie française d’électricité d’avant-guerre et écrire deux ouvrages, l’un consacré à la civilisation Inca et l’autre à l’art français au XIIème siècle.
Aujourd’hui, chers Maires de France, alors qu’on vous dit être dans un processus d’une nouvelle révolution technologique qui affecte vos territoires et bouleverse le quotidien de vos administrés, vous êtes en droit de vous interroger sur l’absence d’une pensée Fée Electricité adaptée à la transition numérique. Que l’élite française respectée sur tous les continents et qui a accompagné l’électrification de vos territoires avec des infrastructures parfaites et reconnues mondialement entre le XIXème et le XXème siècle, ne s’est pas renouvelée à la même hauteur d’exigence durant cette ère que nous vivons actuellement de la digitalisation des services publics. Ainsi, si vous semblez douter de la gestion par l’Etat de la crise sanitaire aujourd’hui, comme il y a trois ans de celle des Gilets jaunes, l’impact de la transition numérique y est pour beaucoup.
Souvenez-vous, à la fin de 2018, les Gilets jaunes, qui ont utilisé du numérique et particulièrement des réseaux sociaux pour fédérer dans un temps record une force de contestation sociale structurée, ont été étrangement les victimes des mêmes outils digitaux. Ces derniers appartiennent à des entreprises (start-ups) souvent californiennes, à la culture d’ubiquité sans limite, fournissant autant d’offres de services qu’il y a de filières d’activité à investir.
D’une manière insidieuse, une réelle délocalisation virtuelle de secteurs d’activités de vos territoires s’est mise en marche ces 20 dernières années, induite par la puissance informatique qui double sa force tous les 18 mois. Ainsi, Les Gilets jaunes n’avait pas compris que leurs premières victimes, les petits commerçants du détail, sont autant impactées qu’eux par la délocalisation virtuelle. Notamment dans le dernier mois de l’année 2018 où le chiffre d’affaires des fêtes dans les commerces des petites et villes moyennes reste important.
Cette délocalisation numérique de la valeur de la force de travail, créée sur vos territoires, semble avoir été plus rapide que les prospectivistes et analystes du marché du travail des organismes de l’État et ses services. Malheureusement aussi, l’élite française, et particulièrement parisienne, investie dans l’internet, a été plus encline à penser à ses intérêts en participant à une ruée vers l’or de la e-economie, via le lancement de start-ups, l’inauguration d’incubateurs et de levées de fonds, plutôt que d’aider vos collectivités à imaginer un nouveau Plan d’aménagement territorial digne de ce nom à l’aune de la mondialisation numérique.
Ainsi, à la sortie de la crise des Gilets jaunes et des rencontres nationales proposées par le président de la République pour échanger avec vous et les Français autour du contrat social, voilà que vous êtes confrontés à une autre plus importante crise, celle de la pandémie mondiale du Covid-19.
Chers Maires, à l’heure de l’Europe des régions, vous êtes en droit de réclamer « une Fée Numérique ». Elle pourra prendre la forme d’une œuvre numérique (une tendance émergente du marché de l’art, avec un système d’authentification au nom de (NFT) pour jeton non fongible), aussi grand que celui de Dufy, mais peut être l’inscrire dans un rêve européen où les collectivités locales du Vieux Continent, auront le maître mot d’une réalisation collective. C’est pour cela que www.territorialchallenges.com tient à vous accompagner pour connaître les meilleures pratiques et innovations des uns et des autres, à l’échelle des 27 pays de l’Union européenne.
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