Alors que les réunions se multiplient sur l’avenir du transport public dans les territoires urbains et ruraux d’Île-de-France, il semble que les élus locaux n’ont pas encore pris la mesure de l’impact, sur la mobilité des citoyens et la transition climatique, de la révolution numérique actuelle.
La Loi d’orientation des mobilités (LOM), présentée la semaine dernière en Conseil des ministres et ses batteries d’articles législatifs, suffira-t-elle à régler toutes les fractures territoriales liées aux déplacements des citoyens ? Il faut, sur le terrain, que les collectivités locales fassent un effort d’imagination et inscrivent l’évolution de la mobilité dans le cadre de la double transition que nous vivons actuellement, l’énergétique et la numérique.

On raconte qu’il y a plus d’un siècle, lorsqu’on demandait au Baron Haussmann pourquoi son plan d’urbanisme ne concernait que 80% du territoire de la capitale. Il répondait : « …les 20% restant doivent permettre aux futurs responsables d’avoir de la place dans 20 ou 30 ans pour des infrastructures qui n’existent pas aujourd’hui… ». Ainsi, en 1898, les pères du métro parisien, Fulgence Bienvenüe et Edmond Huet, ont eu l’espace nécessaire pour réaliser un des plus beaux réseaux de transport urbain au monde.

Le calendrier législatif sur la mobilité, les projets des collectivités locales franciliennes pour solutionner les difficultés de mobilité des citoyens dans la région et l’actualité particulière des « Gilets jaune », ne doivent pas occulter le fait que l’innovation numérique doit être au cœur des solutions de mobilité de la région parisienne de demain. Les décisions actuelles des élus qui, dans leur majorité, se disputent uniquement entre rendre payants ou gratuits les parkings des gares, ou sur l’aménagement des parcs de stationnement afin d’optimiser le nombre de places disponibles, ne sont pas dignes d’une Île-de-France qui se veut être la première et la plus développée des régions d’Europe.

 

Le mouvement continuel de la Loi Moore qui tous les 18 mois double la puissance informatique et augmente les transformations et changements sociétaux, comme les activités professionnelles, le temps du travail et celui du loisir…, nécessite de la part des élus, de mettre, sur le sujet primordial de la mobilité, l’accent sur l’innovation technologique et la prospective. On ne peut, à l’exemple de nombreuses intercommunalités, comme celle de Cœur-des-Yvelines dans le 78, continuer à répondre au casse-tête du transport des citoyens dans l’intercommunalité, uniquement en proposant l’agrandissement des parkings aux alentours des trois gares du territoire, le paiement du stationnement et l’accroissement des lignes et arrêts de bus.

Si, comme vient de l’annoncer Valérie Pécresse, il faut s’attendre à voir l’année prochaine des essais, dans Paris et sa périphérie, de véhicules autonomes, de disposer déjà à Vincennes et à la Défense de navettes sans chauffeur en action, il est bien curieux de constater, qu’en Suisse et en Allemagne ce genre de transport est déjà effectif avec un vrai modèle stratégique de mobilité d’avenir. Commencée en juin 2016, le parcours, à Sion, en pays Helvète, des voiturettes françaises Navya a été rallongée, en octobre 2017, de plus 1,5 km pour relier le centre ville à la gare. De même à Bad Bimbach, ville thermale de 5.000 habitants perdue dans la campagne de Basse-Bavière, le maire Josef Hasenberger a pris le risque d’offrir aux touristes et à sa population, un minibus autonome de marque française, EasyMile, pour relier la gare, à la station thermale puis le centre ville et devenir la première collectivité à utiliser ce genre de transport public en Allemagne.

Ce changement de paradigme de la mobilité qui impact fortement les paysages urbains avec une réduction accrue des parkings et de la taille des routes, est déjà en action dans des régions et villes européennes, sinon en Asie et aux Etats-Unis. Si l’Île-de-France veut réussir sa transition numérique et énergétique et ne pas prendre du retard avec son projet de « Smart Nation », dossier qui semble tenir à cœur à la présidente du Conseil régional, Valérie Pécresse, il va falloir convaincre les élus, maires comme présidents des intercommunalités, de ne pas attendre, des services publics et des industriels historiques du transport, la solution magique, mais plutôt d’anticiper et d’inscrire la mobilité du futur dans leurs territoires, comme un axe de fort potentiel de développement économique, sociétal comme culturel.