Les deux auditions du fondateur de Facebook au Sénat puis à la Chambre des représentants américains la semaine dernière illustrent l’absence d’esprit RSE chez les patrons des GAFA. Et si c’était le problème de fonds du scandale de fuite de données vers Cambridge Analytica.

« Quand vous cherchez des gens à recruter, vous devez rechercher trois qualités : l’intégrité, l’intelligence et l’énergie. Et s’il ne possèdent pas la première, les deux autres vous tueront ». Ce précepte de l’homme d’affaires et investisseur Warren Buffet peut-il être appliqué au chef d’entreprise trentenaire Mark Zuckerberg ?

Après plus de 20 ans d’économie numérique, le monde de l’entreprise doit s’interroger sur le cas de Mark Zuckerberg, comme un des plus puissants patrons de la planète. Lors des deux auditions devant les parlementaires, le jeune startopeur a détonné au milieu de l’establishment politique américain, tel un collègien US qui se retrouvait en conseil de discipline au Sénat ou à la Chambre des représentants.

Les entreprises du web en manque de politique RSE

Cette affaire est peut être aussi un tournant dans l’histoire du patronat. Quel chef d’entreprise aussi puissant, depuis les révolutions industrielles au XIX siècle, n’a trouvé de moyen pour défense que celle de l’excuse, propre aux collégiens pris à la faute sur les campus. Ici, c’est l’image du patron qui en prend un coup, alors que depuis la chute du mur de Berlin et la montée en puissance des économies de marché, il était devenu un acteur central et influent de la vie sociale et politique d’un pays et d’un continent.

A juste titre, nous avons à l’occasion des Top Voices 2017 de LinkedIn, proposé en décembre une contribution sur le thème de « la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) et la ville intelligente », comme sujet de l’année 2018. Nous y avons précisé qu’il est regrettable de constater que les entreprises du web n’avaient aucune politique ni stratégie sur la RSE, au contraire d’autres filières comme l’agro-alimentaire, le BTP, le textile et l’industrie automobile…, par exemple. Il est judicieux de constater que ces dernières sont dans des domaines traditionnels de la production de valeurs, alors même que Facebook opère sur une nouvelle matière première : la donnée. Reste que les entreprises de l’ancien monde économique sont d’abord connectées à leur territoire et ont conscience d’une responsabilité sur leur environnement immédiat, alors que Facebook opère sur un espace numérique sans limite.

Dans une contribution ce vendredi 13 avril, le professeur Scott Shackelford, spécialiste du droit et de l’éthique, explique, sur le média de la communauté universitaire The Conversation, que « Les citoyens aux États-Unis ont réalisé le pouvoir des entreprises technologiques dans leur vie quotidienne – et dans la vie politique. En conséquence, ce qu’ils attendent de ces entreprises est en train de changer. C’est pourquoi je crois que la protection de la vie privée doit maintenant faire partie de ce qu’on a appelé la responsabilité sociale des entreprises ».

Il n’est jamais trop tard et il semble que dans le cas de Facebook, réseau social à la position dominante, il y a aussi d’autres causes qui font partie de la RSE que la vie privée et la cyber-sécurité. Il y a celle de la cannibalisation, avec Google, de la publicité au détriment des médias et de la diffusion de contenus à caractère extrême et porteur de trouble à l’ordre public.

Appliquer la norme ISO 26000 au monde du web

Si Mark Zuckerberg a réussi depuis des années à éviter ces sujets qui fâchent, pour mettre en avant des actions de bonnes intentions comme le développement de l’énergie renouvelable pour alimenter les data centers de Facebook ou l’envoi de ballon sur le continent africain pour offrir de l’Internet aux plus démunis, l’affaire Cambridge Analytica vient le mettre devant ses responsabilités, comme n’importe quel patron de l’ancienne économie.

Laisser manipuler les données des membres de son entreprise pour intervenir dans l’élection présidentielle de la première puissance mondiale, c’est aussi grave que faire fabriquer dans des usines, ses produits par des enfants. C’est pour cela entre autre que la RSE est devenu le 1 novembre 2010, une norme internationale avec pour code : ISO 26000.