La PME est-elle l’avenir de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE)? A l’heure des débats sur le développement durable et la place de l’entreprise dans la société efficiente, le Club Rodin, instance de réflexion liée à la FIEEC – Fédération des Industries Electriques, Electroniques et de Communication, publie un ouvrage exhaustif de 50 entretiens avec des chefs d’entreprises. Les auteurs, Bernard Bismuth, président du Club Rodin, et Gérard Cappelli, expert passionné de la RSE, reviennent sur la genèse du livre au titre provocateur, « Réinventer nos PME : Le rôle essentiel de la RSE », préfacé par Gilles Schnepp, président de la FIEEC et Pierre Gattaz, président du MEDEF. Bernard Bismuth et Gérard Cappelli tracent aussi les perspectives de la RSE face à ses détracteurs, tout en revenant sur ses origines historiques.

Depuis la publication en novembre 2010 de la norme ISO 26000 concernant la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), comment a évolué  ce sujet dans l’univers de l’économie française ? 

Bernard Bismuth : Pour les petites entreprises, la prise de conscience est beaucoup plus récente. Pour les grands groupes, ils sont soumis à la réglementation depuis la loi NRE (Nouvelles Régulations Economiques) de 2001-2003 . Indirectement, ce sont les consommateurs et les actionnaires qui ont poussé les grandes entreprises vers une sensibilisation à la RSE. Les premiers, en devenant de plus en plus regardants sur les produits à acheter et à consommer, les seconds ne voulant pas être des faire-valoir pour des entreprises qui ne respectent pas les réglementations du développement durable et de la protection climatique.

Gérard Cappelli : La réglementation a conduit les grandes entreprises à prendre en compte le sujet de la RSE, et maintenant les petites considèrent que la RSE peut donner une meilleure vision du futur. La réglementation sur le reporting RSE n’impacte que les grandes entreprises de plus de 500 salariés, mais celles-ci intègrent de plus en plus des critères RSE dans leurs spécifications d’achat. Après les lois NRE, la loi Grenelle II a précisé les exigences de reporting RSE. Elle a ensuite été modifiée par une transposition d’un décret européen.

Comment est-on arrivé à cette prise de conscience de la responsabilité sociétale des entreprises ?

Gerard Cappelli : Un homme a joué un rôle essentiel dans l’avènement de la RSE, Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU entre 1997 et 2006 qui, deux ans après son arrivée à la tête de l’institution, a lancé l’idée de la création d’un pacte mondial incitant les entreprises à devenir socialement responsable. Ainsi est né le Pacte Mondial (Global Compact) qui est considéré, avec ses dix principes, comme une base historique de la RSE. Puis le comité COPOLCO, représentant les consommateurs à l’ISO, a exprimé son souhait de créer une norme sur le sujet. L’institution internationale a mené une étude de faisabilité de 2001 à 2004 avant de lancer la rédaction de la norme ISO 26000 avec une centaine de pays.

Concrètement, il y a un autre exemple de cette prise de conscience de la RSE, avec l’effondrement de l’immeuble Rana Plaza à Savar, faubourg de l’ouest de Dacca, capitale du Bengladesh. C’était en avril 2013, et cette catastrophe qui a fait 1 127 morts a provoqué une loi, que la France a été la première à adopter, concernant la vigilance apportée aux sous-traitants. Cette catastrophe est à l’origine de la norme ISO 20400 sur la responsabilité sociétale des entreprises dans leur processus achats.

Bernard Bismuth : A cela, depuis la fin des années 90, s’ajoute une forte pression des investisseurs dans les entreprises concernant le développement durable, ce qui a fini par déboucher sur la norme ISO 26000. Les actionnaires ne demandaient plus uniquement des comptes financiers, mais aussi d’avoir un impact positif sur la société. Les destructions environnementales étaient trop voyantes et cela était mal perçu par les places boursières. Dans cet esprit, les critères extra-financiers ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) devenaient des éléments de premier ordre dans la gestion socialement responsable des entreprises.

Au sein du Club Rodin, pour éditer ce livre consacré à la RSE dans les TPE et PME, vous avez commencé à travailler sur le sujet il y a deux ans. Avez-vous constaté des évolutions ?

Bernard Bismuth : En deux ans de temps, nous avons constaté des changements énormes comme si la France des PME  se mettait  à bouger. Ainsi, le titre de notre ouvrage, « Réinventer nos PME: Le rôle essentiel de la RSE » prend chaque jour plus de sens. Car, il y a des entrepreneurs qui associent la problématique de la RSE au futur de leur entreprises et disent « il va falloir qu’on y aille ». Mais, la marge reste encore importante, puisqu’on peut dire qu’en France le nombre de PME engagées dans la RSE est de 1 pour 1 000. Comparativement, les grandes entreprises sont obligées maintenant  de s’exprimer sur le sujet.

Gérard Cappelli : Le constat objectif est qu’une entreprise ne réagit, par nature, que si une erreur est à corriger ou si une pression s’exerce. Pression des actionnaires, des salariés ou des citoyens-consommateurs. Certes, les résultats économiques restent les fondements d’une entreprise, mais la RSE implique la notion de performance durable et globale. On a besoin de l’ensemble du personnel pour réussir ; on a besoin aussi d’une bonne symbiose avec ses autres parties prenantes.

Au-delà de l’aspect éditorial quelles pédagogies proposez-vous aux entreprises pour intégrer la problématique de la RSE au cœur de leur stratégie managériale?

Gérard Cappelli : Ce n’est pas un livre de méthode que nous avons publié. Son but est de donner envie et pour cela nous n’avons pas fait de sélection parmi les témoins. Les détracteurs de la RSE ont aussi la parole. Nous avons estimé qu’il fallait réunir sur ce sujet, si essentiel pour l’avenir des entreprises, tout le paysage des PME et montrer les différences de point de vue.

Bernard Bismuth : Nous pensons que le futur et les transformations qu’il porte, arrive sur nous très vite et très fort. La stratégie qui implique le personnel et la prise en compte des parties prenantes de l’entreprise pour anticiper le futur et ne pas le subir est pour moi la meilleure. Je crois beaucoup plus à la RSE en PME, car dans une petite structure le patron peut décider seul pour entrainer tout son personnel. Aujourd’hui par exemple, Et puis dans tous les appels d’offre des marchés publics, sont intégrés des critères de RSE. Pouvoirs publics comme les collectivités locales, ministères comme conseils départementaux, travaillent sur le sujet. Evidemment, cela ne peut qu’inciter les entreprises à aller dans ce sens.